C’est quand qu’on arrive ? J’ai envie de faire pipi… J’ai mal aux pieds… Allez courage, ils ne sont pas tous comme ça. Un enfant que l’on prépare bien, est un redoutable allié dans la nature. Il faut juste y aller par étapes, prendre le temps et ne jamais le forcer, tout transformer en jeu, en quête, avec un peu de rêve et d’aventure, du défi pour les ados…
Distinction rando / treck
Bien entendu, il faut distinguer avant de se lancer. Les propos ne seront pas les mêmes selon la difficulté et la longueur du parcours. La randonnée est l’action de partir marcher, se promener, pour mener une activité quelconque ou comme fin en soi. On marche une heure, deux heures, jusqu’à la journée. Si on y dort une nuit, ça devient une randonnée avec bivouac, surtout si on continue de marcher le lendemain pour rentrer à la voiture. Pour beaucoup, deux jours ça commence un peu à être du trek. Disons que pour moi c’est un week-end campé avec une belle randonnée. Tombons d’accord sur le fait qu’un trek est plus long qu’un week-end, donc 3 jours minimum. Certains partiront 3 jours, d’autres une semaine, certains sur les grands trails américains partiront 6 mois… Le trek est le fait de se déplacer sur la durée, plusieurs jours durant, dans la nature surtout mais pas limitativement. Il y a vingt ans le mot trek était employé principalement pour la montagne, mais cela tend à changer, comme toute pratique. On peut désormais trekker dans la plaine et se dire trekkeur. Marcher longtemps c’est marcher longtemps après tout. Dans cet article nous parlerons de randonner, vous verrez qu’en fonction de l’âge ce sera déjà un bon début.
Préparer ses enfants
J’ai eu récemment maille à partir avec une maman sur un salon où je tenais un stand. Je lui expliquais que l’âge minimal que j’acceptais en stage était de 6 ans, voir 7 ans selon les cas. Elle l’a pris pour elle, comme si je disais que son enfant de 3 ans était incapable de pratiquer la nature. Elle répétait qu’elle avec déjà réussi à l’emmener en forêt, que ça c’était bien passé… J’essayais de lui énumérer les points qui posaient problème d’amener un enfant de 3 ans pendant 2-3 jours en forêt sauvage et sur un campement plein de matériel divers avec 10 personnes. Elle est revenue me voir 3x dans la journée, à chaque fois pour poser d’autres questions mais elle en revenait toujours à la question de l’âge. Parfois quand on ne veut pas comprendre, personne ne peut vous l’expliquer.
Je ne disais pas que l’enfant ne pourrait pas aller en forêt, simplement qu’il fallait tout adapter autour d’elle pour qu’elle reste en sécurité d’une part, et dans l’apprentissage d’autre part. Surtout, je voulais qu’elle comprenne qu’on devait préparer l’enfant, que cela se faisait par étapes, et certainement pas en la jetant dans le grand bain dès le début (à savoir en pleine forêt, deux jours, en conditions rustiques). L’enfant n’avait jamais campé, n’avait jamais mangé autre chose que les bons pots à la maison, jouait avec le portable sinon elle pleurait à chaudes larmes…
Ce jour-là j’ai sûrement perdu une cliente, mais j’ai sauvé une enfant (laissez-moi rêver). D’autres parents comprennent mieux que d’autres rassurez-vous. Ma filleule a 9 ans a déjà allumé un feu, taillé des piquets pour planter une tarp, fait une sieste dans un hamac, traversé un champ en friche avec de la végétation plus grande qu’elle (elle a pleuré mais elle a traversé ! Bravo ma cocotte). On est pas loin de voir comment cuir un lapin sur le feu. Vous avez saisi l’idée, on y va en douceur. Surtout que la randonnée implique une forme de pénibilité via la répétition du geste (gauche, droite, gauche…) et la monotonie du paysage parfois (passé 1h, les montagnes sont moins sexy quand on a 9 ans).
Préparer « le terrain »
Il faut amener la chose à votre ou vos enfants tout d’abord. On ne peut pas juste les mettre en forêt de temps en temps, il faut faire un peu de promo de l’événement. Parler souvent de la nature, montrer des images ou des vidéos, des films, d’enfants qui s’amusent dans la nature. Un dessin animé marche aussi, genre l’âge de glace c’est en pleine nature, ils se marrent bien. L’enfant comprend vite, la nature = on se marre bien. Lire une histoire d’un prince qui dort dans la forêt, ou une princesse type Rayponce, Rebelle. On évitera ce qui fait peur (Blanche Neige fuit sa belle-mère meurtrière…), on ne veut pas devoir prendre une veilleuse à pile à chaque bivouac.
Une fois que l’enfant a assimilé la nature a du plaisir, qu’il a compris que c’est un terrain de jeu, il ne reste plus qu’à jouer, selon l’âge. On plantera la tente dans le jardin et (important le premier soir) on dormira avec l’enfant dedans. Il est également important de commencer avec sa literie qu’on déplace, l’enfant comprend que c’est son nouveau lit. Comme on fait avec un chiot dans une nouvelle famille, un tissu avec l’odeur de sa mère, il se sent bien, il s’endort. Faire une piste de cookies posés au sol pour mener l’enfant jusque dans la tente peut marcher, mais si le bestiau comprend où vous voulez en venir, il peut s’enfuir, et là c’est trop tard pour lancer la pokéball.
Exemple tout bête, mon neveu a reçu un sac de couchage (avec étoiles phosphorescentes waouw) à noël. Le soir même, sur son lit, il dormait dedans. Si un jour je lui mets le duvet dans une tente, que je m’allonge en fermant les yeux, il se dira « bah ok normal, tonton dort ici c’est un endroit où je peux dormir en sécurité, y’a mon duvet en plus, top ». Une fois que l’enfant se projette dans la randonnée ou le bivouac, c’est gagné. On fait pareil pour vendre une voiture ou un canapé. Quand le client commence à dire « ah oui je me mettrais ici avec la télécommande ici et… » on sait que c’est à moitié vendu.
Le matériel joue une part importante dans la randonnée mais aussi dans la préparation de celle-ci. C’est un excellent vecteur de responsabilisation de l’enfant. S’il salit ses chaussures de marche, il doit les frotter. Il doit dérouler son duvet et le mettre sur un cintre. Il doit enlever les piles de sa lampe en rentrant et les mettre… quelque part prévu pour (boîte). Il doit nettoyer ses lunettes de soleil avec la chiffonnette et les ranger dans leur boîtier, pareil pour les jumelles. Il saura alors qu’il doit prendre soin de ses affaires s’il veut les avoir le prochain coup, et surtout il comprendra la notion de : si je le veux = je dois le porter. Raison pour laquelle je conseille peu importe l’âge, de faire porter un sac à dos à son enfant, même si c’est un livre et une gourdinette (c’est une petite gourde !), au moins ça démarre bien. Chaque année on rajoutera un kilo, jusqu’à ce que chacun porte tout son matériel (à partir de 12 ans).
L’aspect matériel est important, mais la préparation mentale l’est tout autant chez les petits. La préparation physique se fait à l’école, à la maison. Ce n’est pas en marchant 5h par mois que l’enfant va développer une musculature d’athlète. En même temps, cela nous rassure car ce n’est pas ça que nous voulons. Le mental de ou des enfant-s, est donc votre priorité. Il faut que la marche soit un plaisir, pour cela l’enfant a besoin d’un objectif, d’un bon pitch comme avec un patron qui voudrait vous embaucher, il faut vendre la chose.
On ne va pas marcher, on va retrouver la fontaine perdue de Merlin, la veille on lit une histoire sur Merlin qui aurait disparu etc… On ne va pas faire 2h de marche, on va à l’assaut de la colline prise par l’ennemi. On se barbouillera la tête le matin et de temps en temps vous crierez « on nous attaque » et chaque enfant devra se planquer sinon il aura un gage (vous ne bougez plus sinon c’est pas juste). Les pommes de pin seront des grenades (on commence à parler de ce que c’est, pourquoi c’est tout grignoté, chut, l’air de rien). Inventez une embuscade invisible, qu’il faudra contourner (hop voilà la carte, regardez) en quittant le chemin pour ramper dans les fourrés, ils ramperont croyez moi (on check les tiques en sortant, hop sensibilisation).
Si vous les chemins des douaniers en Bretagne, arrangez-vous pour qu’il y ait une épave en chemin, ça sera les restes du navire du terrible Coronakham le Rouge. Bien sûr vous prendrez un coffre que vous enterrerez dans le sable pendant qu’ils chercheront dans le bateau. A la fin vous glissez un parchemin trempé dans du café froid puis séché, indiquant un nombre de pas et une direction (ne vous trompez pas en enterrant la chose). Coup de bol dans coffre il y aura des pièces en chocolat et… le goûter ! L’air de rien les enfants auront appris à utiliser les points cardinaux, check !
Pensez que vous avez tout le temps, ce sont vos enfants (sinon rendez-les s’il vous plaît). Une sortie par mois, 3 h, est largement suffisante. Il faut qu’à chaque sortie ils aient appris des choses, retenu des choses et se soient amusés avec ces choses. C’est le triptyque gagnant. Bien sûr ne commettez pas l’erreur du mauvais animateur de club med, adaptez bien votre imaginaire à l’âge de l’enfant. Suivre les traces de bambi en chantant c’est marrant à 7 ans, pas à 15. Faire une tyrolienne improvisée à 13 ans c’est le fun, à 6 l’enfant aura peut-être peur.
Plan B, si votre enfant n’est pas motivé à marcher avec vous, kidnappez son doudou, larguez le au sommet de la colline au dessus d’une marmite chaude et… non je plaisante, nous ne sommes pas scénaristes à Canal+. Ne menacez jamais le doudou d’un enfant, par contre incluez le dans l’aventure, dîtes-lui que doudou aimerait bien voir la forêt, peut-être son lieu de naissance (lapin, ourson…), doudou aime bien boire de l’eau dans la gourde etc… Entrons dans le vif du sujet, avec les trois âges principaux de nos champions : nourrisson, enfant, ado. J’ai presque envie de dire Salamèche, Reptincel et Dracofeu, mais pas sûr que tous les parents soient à la page de nos jours.
Le cas du nourrisson (0-5 ans)
On l’aime beaucoup le bébé, il est top. Il a des joues potelées et des petites jambes… mais il ne fait pas grand-chose avec malheureusement. Ou alors si, quand on tourne le dos, vif comme l’éclair (rendez-vous tous ou ce sera la guerre… miaouss…). Il faut savoir qu’il existe bien sûr une sub-division dans cette catégorie. 0-3 ans et 3-5 ans. On est plus un bébé à 3 ans, mais vous aurez compris l’idée.
Les avantages d’un bébé sont nombreux en randonnée. Il ne prend pas beaucoup de place, généralement il dort au milieu des parents, pas trop besoin d’un duvet dans la tente, un plaid et dodo. Il ne mange pas beaucoup et toujours la même chose ou la même forme, donc facile à calculer, à anticiper. Il est bon pour le moral, on veut l’amener en haut car on veut qu’il voit le coucher de soleil, il nous encourage à faire les choses bien. Quand il dort à 13 h, c’est la bonne excuse pour… faire un peu pareil, tranquille Émile.
Mais ne nous leurrons pas, un bébé en randonnée ce n’est pas non plus la joie, surtout… pour celui qui va devoir le porter. Sous les 2 ans, il ne marchera pas, ou pas comme vous le voulez. Après 3 ans il marchera mais… fort peu à vrai dire. Il y a donc un parent ou membre du groupe qui va avoir un sac à dos spécial enfant… selon l’âge vous aurez entre 5 et 25 kg… L’autre parent ou accompagnateur portera donc votre piquenique, manteau, eau, lampe, carte… Ne vous séparez jamais du coup, sinon ce n’est plus une randonnée mais une activité à risque (sans matériel en pleine nature).
Selon un docteur de la fédération française de randonnée, un petit de 4 ans peut marcher 3-4 km d’un coup, 5 km dans la journée mais en deux fois. Il portera jusqu’à 1 kg et sa vitesse sera d’environ 1 km/h. Donc oui, cela fait 4 h pour 4 km, un adulte marchant à 4 km/h techniquement. Vous comprenez pourquoi il faut tout adapter pour que l’enfant se sente bien, ne croit pas qu’il ralentisse le groupe (on occupera donc les plus âgés pour qu’ils n’aient pas le temps de commenter ce fait à voix haute). Pour un enfant, à partir de 4 ans c’est 1 an = 1 km de marche dans la journée (4 ans = 4 km, 5 ans = 5 km).
Le cas de l’enfant (6-11 ans)
Là, on commence à être dans une autonomie de déplacement et de repères spatio-temporels plus intéressantes pour de la randonnée classique. L’enfant comprend les consignes, sait que si on part 3h, on marchera 3h, c’est la vie. Il faudra l’occuper bien sûr, les quêtes et missions sont piles pour cette tranche d’âge qui ne demande qu’à jouer. En colo, j’ai réussi à faire marcher 20km dans la journée des enfants de 10 ans, alors que les parents disaient qu’ils n’avaient jamais marché de leur vie. Oui, mais un raid en montagne avec challenge de ne pas retrouver le matos à l’arrivée si on arrive trop tard (la directrice repartira sans décharger…) ça vous motive un groupe !
L’idéal c’est que l’enfant ne soit pas seul, il a besoin de miroirs autour de lui pour mesurer la réaction à avoir, c’est mieux chez ses semblables. Toujours rester à 3 augmentera leur autonomie de déplacement, ils savent quoi faire si l’un se blesse. Ils ont de l’énergie, ils récupèrent environ 7x plus vite que nous (ce sont des machines de guerre) mais oui, ils s’épuisent plus vite que nous, c’est la vie. Si on le sait on adapte le rythme à leurs besoins, on ne marchera jamais plus d’une heure de suite, ça fera déjà 2-3 km de faits, on prend de la hauteur, on ne voit plus la voiture… Ils sont optimistes, assez innocents encore, on peut leur montrer des bébêtes et ils vous écoutent, ils sont curieux, ils veulent toucher, alors on fait attention mais on montre, on y va. Il faut leurrer son ennui, on n’est pas là pour marcher mais pour aller voir un truc, et on n’attend pas que l’enfant demande, on lui parle constamment, on lui situe l’itinéraire sur la carte. On le fait s’intéresser à son environnement, on lui confie la carte, la boussole. C’est lui qui nous guide (la confiance n’exclut pas le contrôle bien sûr). Si on responsabilise et qu’on occupe l’enfant, il ira où vous voulez, dans la limite de son physique c’est entendu.
L’enfant ne rechignera pas à faire une petite sieste (on ne dit pas le mot devant eux, c’est une insulte, ce sont des grands) dans le hamac, au bord de la rivière entre deux rayons de soleil, à l’ombre. On prévoit de faire fluctuer le rythme : 1 h de marche, puis sans forcément s’asseoir on va sortir les jumelles et jouer au jeu du premier qui voit… Le premier qui trouve une fleur violette… tiens bois un coup d’eau, n’oublie pas de boire avant d’avoir soif (hop, un peu de pédagogie). Tiens une rivière, on va remplir nos gourdes (si l’endroit est propre et le permet), on le laisse sortir la pastille purifiante, on n’oublie pas le pchit de sirop magique (3€ en magasin sportif) pour faire passer le goût de piscine. C’est génial, on boit dans la nature, on y dort… ça sent bon le bivouac, bientôt cher padawan, il faut y aller par étapes.
Oui, certains enfants n’accrochent pas aux quêtes, aux missions marrantes, aux imaginaires de pirates ou de bigfoot mystérieux. Ils restent des enfants, vous les connaissez, trouvez comment les motiver. Vers 10 ans ça peut être le jeu de « t’es cap d’arriver en haut du rocher… », ça marche bien à condition de le laisser gagner dès fois (aaah les tontons compétiteurs…).
Les inconvénients existent c’est sûr. L’enfant se décharge vite, quand il sera fatigué il sera ronchon, à vous de bien orchestrer le rythme et la durée de la rando pour que cela ne se produise qu’à proximité de la voiture au retour. L’enfant a besoin de consignes précises, courtes, non répétitives. Il a besoin d’une dynamique de groupe, de s’amuser, d’apprendre (on se rappelle du triptyque gagnant).
À 6 ans, l’enfant peut marcher 6 kilomètres d’un coup, 8 km en faisant une pause (midi) dans la journée. Il portera 2 kg sans trop se plaindre (plus on marche, plus l’eau s’allège). À 7 ans on arrive sur une allure de 3 km/h, soit 2 h pour faire 6 km, c’est pas mal non ?
Le cas de l’ado (12-18 ans)
Alors là c’est de la formule 1 de compèt ! L’ado fait le job comme un adulte, il est plein d’énergie, il a du muscle, il récupère vite (ne connaît pas les courbatures du 2ᵉ jour…). Il est zen (parfois je-m’enfoutiste) et rien n’est grave, sauf si c’est la batterie de son téléphone, mais comme on va le laisser dans la voiture ou le mettre en mode avion et laisser les écouteurs dans la voiture, ce n’est pas grave. Il a un regard novateur l’ado, il a envie de vous montrer qu’il a été bien éduqué, il veut tester son potentiel et faire ses expériences. Il portera tout son matériel, à partir de 15 ans il proposera même de prendre le matériel commun ou celui d’un plus petit (ça sent le scoutisme là, non ?).
Mais bon, ne rêvons pas, l’ado reste un enfant et il y aura des déboires à un moment donné. Déjà, il va falloir le traîner dans la nature tout une après-midi. Si vous n’avez pas commencé tôt, il ne verra pas l’intérêt de la chose. Si vous avez fait le job plus tôt dans son enfance, rien que de secouer le sac à dos dans l’entrée suffit à le faire descendre les marches en courant. Bon oui, je base ma caricature sur un chien avec le bruit de la laisse, ce n’est pas glorieux. Mais vous comprenez que l’ado doit avoir été travaillé au corps. Si c’est une corvée pour lui, qu’il a autre chose à faire (ses amis…), alors le choix se posera selon votre axe pédagogique en tant que parent. Le forcer pour son bien car vous savez qu’il aimera, ou ne pas le forcer (mais à force, il ne viendra plus jamais avec vous en randonnée). Autre débat.
À partir de 12 ans, l’adolescent est comme un adulte. Il marchera 15-20 km dans la journée facilement, il portera 5-6 kg à la journée, surtout s’il comprend que c’est son matériel à lui et que personne ne lui portera à sa place (très important). Bon le seul point noir (je me trouve drôle) c’est qu’il mangera comme un adulte, donc il faut tenir la cadence niveau approvisionnement. Si l’ado n’a pas assez à manger, ça sera un drame et vous l’entendrez râler jusqu’à noël. Au niveau occupation, non seulement on peut le responsabiliser mais il le faut, il a besoin de sentir que vous lui faites confiance, qu’il a compris des choses et que cela lui permet de s’hisser vers le monde adulte. Il peut allumer le feu, gérer le menu (courses et budget allez ?) ou vous le chargez de préparer un dessert mystère que vous ne découvrirez qu’au bivouac… (roulette russe attention !).
La rando en famille
Voilà, après des semaines de préparation, vous avez acheté les chaussures de chacun, le short qui va bien, le t-shirt technique respirant nimbus-2000 trop beau. Vous allez partir demain matin pour un coin pommé. Avez-vous pensé à montrer le lieu à vos enfants ? Il faut qu’ils se projettent, qu’ils s’imaginent déjà dedans, c’est ce qu’on appelle l’accroche dans l’animation (dans la dissertation aussi vous me direz). C’est ce qui donnera envie à votre enfant de marcher, peut-être va-t-il rêver de son aventure pendant la nuit. Trouvez le bon équilibre entre un bon teaser et un teaser énervant qui va rendre l’enfant intenable au coucher. Pensez à la courbe de la veillée : plus on approche du dodo, plus on calme les choses, on chuchote, on dit que le sac à dos fait dodo et que ce n’est plus l’heure.
Plus tôt vous impliquez vos enfants (dans l’âge comme dans les jours précédents la sortie) plus ils seront à fond. Faites un calendrier à l’américaine avec une croix rouge, chaque matin un des enfants coche le jour passé, qui nous rapproche de la super date. La veille on fait les sandwichs tous ensemble, dès 7 ans l’enfant peut faire son sandwich (s’il râle le lendemain, rappelez-lui qui était au fourneau). On évite les sodas qui déshydratent, abîment les dents, ne seront plus frais à midi de toute façon. Prenez plutôt des fruits, des barres de céréales pour la pause de 10 h (et celle de 11 h si vous êtes Team Hobbits).
Rien de tel que de s’arrêter sur un rocher, contempler une belle vue, chacun sort son fruit, son petit couteau (confiance si maîtrise), chacun épluche et jette respectueusement les peaux au pied d’un arbre pour le nourrir. La fierté de l’enfant de voir qu’on lui fait confiance, qu’il doit faire attention quand même. C’est avec ce genre de magie qu’on fait grandir les enfants de 6 mois en 15j de colo ou de camp scout.
La famille implique souvent une diversité d’âge. Surtout si vous sortez à plusieurs familles ou si comme disait Coluche vous avez 2 ou 3 enfants (vous n’avez pas trouvé la virgule du 2,5 par femme). Cela ajoute une difficulté supplémentaire car on se référera sur les capacités du plus petit, qu’on mettra toujours devant (c’est vital). Si on fait deux groupes, le choix reste ouvert après tout, mais du coup, on est plus une famille, on est plus ensemble, on n’habitue pas les plus grands à attendre pour avoir quelque chose, ou à aider les plus petits.
Sauf si on a une bonne excuse (elles sont faites pour servir, disait Voltaire). Par exemple on bivouac, si on traîne on arrivera à la nuit. Hop parent 1 prend 2 ou 3 grands enfants, on trace la route mais parce qu’on a la mission d’allumer le feu et de monter les tentes. Parent 2 reste avec les petits (au pluriel, s’il n’y a qu’un petit, on ne se sépare pas, question de respect) et il prend le temps tant pis. S’il faut faire 2 km en une heure, il le fera, et en prime il rigolera avec les petits. On se mouillera la tête dans la rivière, on posera une feuille avec un mât en bois et en feuilles et on courra après pour voir jusqu’où il navigue. On maintient les trois priorités (s’amuser, apprendre, retenir) sinon il ne fallait pas les amener en randonnée ou alors il fallait les séparer dès le début des grands, aller dans des endroits différents, ou monter en voiture au lieu du dodo et jouer sur place (ramasser le bois, préparer les saucisses, tendre des bâches).
N’oubliez pas une chose primordiale, la randonnée n’inclura pas de bivouac au début. Donc c’est une marche circulaire, on part de la voiture, on va voir telle chose, on revient (idéalement par un autre chemin, sinon les enfants vont s’ennuyer) à la voiture. On peut aussi organiser une course d’orientation en étoile (on revient toujours au centre entre deux balises, deux choses à voir…). Mais cela s’anticipe dans votre kilométrage. J’ai souvent des parents qui m’avouent avoir compté 4 km tout droit… et pas le retour. C’est assez chaotique de gérer un enfant de 5 ans pendant 4 km, après 4 km de marche. Vous le porterez mes bons amis, sans sac spécifique ça peut être long, surtout s’il s’endort.
Les astuces rando
Ne sous-estimez pas le dénivelé si vous êtes en montagne. Grimper en altitude, ce n’est pas le même kilométrage que de gambader en plaine. Un dénivelé de 500 m à 5 ans, ça vous calme un solide gaillard. Alors qu’à 9 ans ils pourront monter 1000 m et rester d’attaque. Tant qu’à parler montagne, on n’oublie pas qu’à partir de 2000 m peuvent déjà apparaître des symptômes de mal des montagnes chez l’enfant. On s’interrogera grandement sur la pertinence de dépasser 3500 m d’altitude en rando avec un enfant de moins de 12 ans. Est-ce bien nécessaire ?
La préparation physique est une question qui revient souvent, pour les enfants comme les adultes. Je réponds souvent la même chose. Est-ce que vous vous préparez physiquement pour aller au travail ? Pas vraiment, si ? Une randonnée qui vous ferait craindre pour vos capacités physiques, ou celles de l’enfant, n’est donc pas une randonnée adaptée. Commencez petit, notez la progression et le comportement de l’enfant à chaque sortie. Si à 10 km vous voyez qu’il traîne sur la fin, faites 9 km à la journée avec des jeux, ça sera mieux. Vraiment, si vous avez besoin de vous préparer physiquement pour aller marcher 3-4 h, c’est que le terrain n’est pas adapté. Inutile de vous culpabiliser ou de culpabiliser l’enfant du style « je ne suis pas prêt » ou « tu ne tiendras pas le choc ». Bonjour la confiance en soi après cela.
Le matériel, on en parle jamais assez. Sans promouvoir le capitalisme à outrance, il faut être bien équipé pour une randonnée. Vous ne serez pas proches de la voiture, il faut être autonome en matériel. À la journée on prendra de quoi manger, boire, se réchauffer, s’abriter même s’il fait beau (kway et tarp dans le sac). Si vous calculez 2 L d’eau pour 5 h, que la rando prend 5 h, prenez 2,5 L, la prévoyance est mère de sûreté. Si vous comptez dormir, soyez sûr que chaque enfant maîtrise son matériel, n’a pas de gêne à s’en servir. J’ai été impressionné en stage de bushcraft par deux enfants de 5 ans. Arrive l’heure du dodo le samedi soir, chacun sort sa petite couette de hobbits, ils se roulent dedans, 5 minutes après paf, plus personne. Ils sortaient d’un mariage, d’une communion, d’un week-end chez mamie. Dormir par terre dans un coin et s’endormir vite parce qu’ils étaient k.o était devenu très naturel pour eux.
Si vous le pouvez, prenez un plaid en rab pour celui qui aura froid, faites plaisir à votre partenaire prenez-lui un petit coussin en microbilles, ça fera son effet lorsque vous lui donnerez à 23 h dans la forêt.
La préparation, ne la négligez jamais. Vous êtes l’adulte responsable, vous êtes garant de la sécurité (morale, psychologique et affective, avis aux animateurs) de l’enfant. L’itinéraire n’est pas à inventer, vous le repérerez à l’avance sur une carte, quitte à appeler l’office du tourisme pour valider. La météo ne tient pas à une invocation vaudou, on vérifie 2 sites différents, on regarde l’évolution générale de la semaine, les fenêtres orageuses, les probabilités de pluie (10 % ça passe, 45 % ça sent mauvais). Emportez une lampe en double, l’un de vos enfants aura perdu ou oublié la sienne. Avez-vous pensé au papier-toilette, dramatique à 22 h pour un enfant qui doit « y aller ». Avez-vous plastifié la carte, parce que s’il pleut ou que junior l’a fait tomber à l’eau… Avez-vous prévenu des amis de votre itinéraire, horaire de départ, de retour, nombre, vêtements (telle couleur…) ? Bien entendu vous avez une trousse à pharmacie approvisionnée, et vous savez gérer un bobo (griffure, coupure, entorse…) ? À ce propos, sortir à de nombreuses occasions la trousse du sac pendant la randonnée, pour prendre autre chose, montrera à l’enfant un peu stressé que les adultes sont là, qu’ils gèrent, qu’ils ont du matériel pour.
Enfin, les pauses ! Quelques principes salvateurs à respecter. Ne jamais faire une pause en pleine côte, les enfants ne repartiront pas ou alors pas sans râler, ou pas sans négocier un allègement du sac à dos. Ce n’est pas le but. Choisir le bon moment et le bon endroit pour une pause, même de 10 minutes, est fondamental. Mieux vaut s’arracher et gravir la montée, puis se poser en haut (on va avoir une super vue les enfants, en avant !) que de s’arrêter avant. Rien de plus déprimant à 10 ans que d’être assis sur un rocher, fatigué, d’avoir devant soi une côte insurmontable que l’on ne se sent pas capable de franchir. Bien sûr vous l’aviez vu venir puisque vous avez préparé l’itinéraire, donc le dénivelé a été bien anticipé.
À votre tour !
Surtout n’oubliez pas que la randonnée peut se pratiquer à pied… mais aussi en vélo (cyclo-rando), à cheval, en canoë, en quad… Tant que chacun maîtrise sa monture en tout temps, n’a pas peur et parvient à suivre l’allure du groupe (les plus petits devant, rappelez-vous). Ce que j’aime avec les expéditions canoë, étant un peu paresseux en été, c’est qu’on avance quoi qu’on fasse. C’est assez cool comme rythme, mais c’est l’aventure à chaque tournant. Un bon plan pour des jeunes pas trop sportifs mais aventuriers, à condition de les préparer à ne pas paniquer (dès le début on retourne le canoë vide et on le sort de l’eau en nageant, ça c’est fait !).
Pour terminer sur une note encourageante, j’ai croisé le printemps dernier une dame lors d’une animation pour un partenaire sportif. Elle m’expliquait qu’elle allait embarquer sa fille de 10 ans sur une partie du chemin de Saint Jacques de Compostelle. Le truc bien méchant, lignes droites caillouteuses, altitude, très peu d’enfants… J’y croyais moyennement, la mère faisait 1 mois avec la petite (partie française, peu de montagne) puis continuait 1 mois solo à travers les Pyrénées… Je l’ai recroisé au même endroit 4 mois plus tard pour une autre animation. Elle est venue droit vers moi. Hop photos et vidéos du voyage, la petite avait tenu les 3 semaines de marche, à 15 km par jour quasiment chaque jour. Elle s’était amusée comme jamais avec beaucoup de complicité mère-fille. Je n’aurais pas osé à sa place et bien voilà j’avais eu tort, pour mon plus grand plaisir. L’an prochain, la petite aura 11 ans, normal la maman prévoit le tour du Mont-Blanc en 18 jours (200 km). Et vous savez quoi, je suis persuadé qu’elles le finiront, leur mont-blanc (ultime blague).
À bientôt dans la verte !