Petit jeu de mots entre bushcraft et bouffe (nourriture), le bouffecraft est l’art de savoir quoi cuisiner dans la nature et comment. Quel système pour cuire quoi, combien de temps, les plantes qui accompagnent bien le repas, l’art de piéger éventuellement quand on aime la viande. Ne jamais rater un repas, cela s’apprend dans en forêt !
Les besoins du corps humain
Je ne vous apprends rien, les hommes et les femmes ne mangent pas les mêmes quantités car ils n’ont pas les mêmes besoins physiologiques. Pour faire les menus et quantités d’un bivouac rapidement vous avez donc le choix de prendre la DB (daily basis) féminine et rajouter 1/3 si des hommes se joignent au bivouac. Ou alors prendre la DB masculine et enlever 1/3 quand il y a des dames. Le mieux étant bien sûr d’essayer de se souvenir des deux bases car on aspire tous à des bivouacs mixtes bien sûr (20% de femmes dans le milieu de la survie, en augmentation) cela est plus sympa. La daily basis ce sont les fameux AJR des boîtes de céréales, les apports journaliers recommandés, ce qu’on doit manger chaque jour pour aller bien. On compte ces besoins énergétiques en kilo-calories, kcal. Ces besoins nutritionnels varient selon les dépenses physiques, le climat, l’âge et bien sûr le genre. En forêt ou en trek ces besoins augmentent entre un quart et un tiers selon.
Pour les calculer on peut retenir que les enfants sont autour de 30 kcal par kilo, les adultes plutôt à 40 kcal par kilo. Donc une dame de 60 kg doit manger l’équivalent de 2400 kcal par jour en randonnée. Un homme de 80 kg tourne autour de 3200 kcal, donc quand monsieur veut piquer une patate dans votre gamelle madame, c’est un besoin physiologique qui l’y pousse ! On dira ça ! Au repos on tourne plutôt autour de 2000-2200 kcal pour les dames et 2500-2700 kcal pour les hommes. A partir de 12 ans un ado mange comme un adulte.
Concernant l’eau au repos, si une dame tourne entre 1,5L et 2L par jour, un homme sera entre 2L et 2,5L (tout liquide compris bien sûr). En activité il faut donc augmenter ces chiffres, d’un tiers au bas mot. A titre informatif, quand je travaille sur mon terrain pour couper des arbres, faire du bois, ou construire un abri, je suis facilement à 4L par jour. Lorsqu’il a traversé l’Amazonie d’Est en Ouest, Mike Horn buvait 14L d’eau par jour (et portait donc 14 kg d’eau, en plus de 26kg de nourriture / sac / couchage). La chaleur ou le froid peuvent augmenter ces besoins en eau et en nutriments, la maladie aussi (diarrhée, fièvre…).
Quand on sait qu’en bushcraft ou en trek ou porte tout ce qu’on emporte, il faut rapidement identifier le ratio entre vos besoins nutritionnels et le poids des aliments. Un aliment pauvre en nutriments devra être pris en grande quantité pour avoir un apport réel, donc ça pèsera lourd. Exemple, des cacahuètes ne nourrissent pas énormément le marcheur, donc si on veut faire un bon apéritif il en faut 100, 200, 300 gr… Alors qu’avec 300 gr de riz on fait un bon repas pour deux. Mais alors comment s’y retrouver ? Il faut apprendre à décomposer les aliments selon leurs valeurs nutritives et grandes familles alimentaires.
Comprendre les nutriments
Il existe trois grands types de nutriments à retenir impérativement (tous dans la même catégorie de nutriments : les macronutriments). Ce sont les glucides, les lipides et les protéines. Pour bien manger, il faut des trois.
Les glucides sont simples ou complexes, ce que les médias traduisent par sucres rapides (simples) et sucres lents (complexes). C’est à dire qu’ils ne sont pas digérés à la même vitesse par notre corps. L’expert en survie ne peut s’empêcher de rajouter que les sucres rapides = digestion rapide = dépense énergétique faible, tandis que les sucres lents = digestion lente = plus grande dépense énergétique. Donc en situation détériorée, bien connaître les aliments et les nutriments qui s’y cachent, permet de peser le pour et le contre entre manger un aliment pour gagner des forces et NE PAS manger un aliment qui ferait perdre des forces à digérer (dépense > gain).
Les sucres rapides se composent du glucose, du saccharose, du fructose (le plus naturel) et servent à booster le corps peu de temps après ingestion. Grimper une colline, nager entre deux îles… Les sucres lents étant plus difficiles à digérer, ils vont finir stockés dans notre corps sous forme de réserve à diffusion lente, par exemple pour ramer plusieurs jours, faire le tour de l’île… On y trouve en star l’amidon. Ce sont par exemple le pain, les pâtes, le riz, les patates, les céréales.
Deuxième nutriment de la catégorie macronutriments, les lipides. Ce sont les bonnes graisses, importantes pour bâtir nos cellules, nos hormones, l’énergie de l’effort, le transport de vitamines. On les retrouve dans les huiles, le beurre, les aliments d’origine animale, produits laitiers (d’où l’intérêt de toujours embarquer du fromage qui se conserve à température ambiante, rouler dans un torchon au fond du sac).
Troisième nutriment, les protéines. Elles structurent le corps humain, raison pour laquelle les body builders en prennent en masse. Elles bâtissent les muscles, la peau, les ongles, les cheveux (utile pour tresser un radeau, humour). Fait moins connu, les protéines jouent aussi un rôle d’apports énergétiques lorsque le corps à épuisé les lipides et les glucides. C’est le moment par exemple en survie où vos muscles commencent à fondre, vous savez alors que votre alimentation est carencée. On les retrouve dans les œufs, la viande, le fromage et pourquoi pas si on veut tester la vegan-itude, dans les protéines végétales (tofu, seitan). Mais, on en trouve pas dans la nature donc il faut tout emporter à l’avance.
La deuxième grande catégorie d’aliments qui nous intéresse, moins car on part rarement plus de quelques jours ou quelques semaines, mais quand même : les micronutriments. Ce sont les vitamines (A, B, C, D, E, K), les minéraux (potassium, calcium, magnésium, phosphore, soufre) et les oligo-éléments (cuivre, zinc, iode, sélénium). Le hasard veut qu’on les trouve dans les aliments du quotidien, sauf qu’en pleine nature vous n’aurez pas vos petits yaourts ou votre banane chaque matin. Donc il faut trouver des compléments naturels facilement emportables (légers) comme des barres de fruits, pourquoi pas de l’homéopathie, des sirops d’électrolytes chargés en vitamine (j’adore, pour pchiter dans l’eau purifiée par pastille et enlever le goût de chlore). Ce qui est sûr avec les micronutriments, c’est que si on en manque une semaine ce n’est pas gênant, par contre sur un mois cela peut devenir problématique. Les vitamines font la jonction avec les autres nutriments, leur absence peut nous rendre malade ou plus faible aux maladies, aux fièvres, aux infections…
Je ne cite la troisième catégorie d’aliments que pour mémoire, les fibres. Ce n’est pas un apport direct pour notre corps, mais elles facilitent la digestion donc autant jouer avec que sans. Ce sont les fruits, les légumes, les céréales. Ce n’est pas évident de se balader avec un paquet de figues, de pruneaux, de kiwis… Mais pourquoi pas trouver des barres de fruits ou de céréales, déshydrater les fruits en rondelles pour les mettre dans un sachet fermé sous vide, léger et petit. Les lentilles sont légères et rentrent n’importe où dans le sac, les pois chiches sont faciles à cuisiner (dur à louper).
Manger équilibré est la base d’une alimentation saine (vous sentez le couteau de ma diététicienne sur la nuque ?). Je conseille toujours de bien manger en nature car on bouge tout le temps même sans le savoir. Aller aux toilettes, creuser son trou, le reboucher, aller puiser de l’eau à la rivière, se laver à côté ou dans la rivière est sportif et dépense plus d’énergie qu’une douche immobile etc… On se fatigue plus vite si on maintient le même régime qu’à la maison (erreur que font beaucoup de débutants « je ne comprends pas, à la maison je fais comme ça et… »). Donc si vous continuez de poster des photos de saucisses sur une grille, sans légumes, vous saurez que c’est mal ! Mais comme disait Baudelaire « mon mal est délicieux » je le sais.
Quelle gamelle pour le bouffecraft ?
Je vois tous les jours des questionnements liés au matériel de portage (sac), de couchage (duvet), de découper (couteau). Mais rarement je vois des gens demander quelle gamelle est la meilleure. C’est sûrement culturel car les sites de bushcraft allemands ou américains se questionnent sérieusement, et moi aussi ! Je sais par exemple que Dave Canterburry (dont la maison brûlée suite à incendie nocturne est déjà en reconstruction, pour ceux qui suivent un peu !) adore tester des popotes et a fini par créer un système propre à son école, basé sur le modèle de l’armée suédoise (en trois parties). En suivant ses publications on constate que beaucoup de bushcrafteurs américains suivent et essaient de leur côté de reprendre ses astuces en les améliorant dans leur coin. C’est ainsi que naissent les meilleures marques.
Il y a cinq critères à prendre en compte pour l’achat d’une bonne popote. Le poids, la forme, la contenance, le prix et la versatilité. Si vous trouvez une gamelle qui n’en a que 4 de bons, ce n’est pas celle que vous voulez.
Selon moi, voici le profil d’une gamelle idéale, selon les cinq critères énoncés :
Le poids
Le poids idéal tourne autour de 500-700gr, facile à calculer pour l’emport. Une bonne gamelle ne doit pas être trop lourde, les vidéos internet avec des dutch-oven petromax et compagnie sont belles et donnent faim, mais ça pèse 5 kg à vide, ce n’est pas réaliste et les vidéos sont tournées à 100 m du parking généralement. On trouve à contrario des gamelles en titane (type Toaks) à 100gr ou 200gr, c’est top et résistant bien sûr, mais généralement le prix nécessite de vendre et rein si on a un travail tranquille et une famille à nourrir. Les gamelles militaires (type quart US) sont sympas et présentent 3 critères au top (légères, pas cher, contenance 1 personne) mais la versatilité d’un contenant unique à deux poignées est peu flagrante et la forme est galère pour cuire à plat dedans, nettoyer (ma main ne rentre pas dedans si je tiens une éponge). En survie c’est bien car on fera surtout de l’eau, des soupes, cuire des plantes. Mais en bushcraft c’est tout de suite moins drôle, et il faut le poser sur le bord du feu, sur des cailloux, ça peut tomber ou être galère à sortir.
La forme
La forme idéale est ronde ou légèrement ovale. Pourquoi ronde ? Car cela ne laisse pas de coin où la nourriture pourrait stagner et cramer, pas de coin dur à laver, on peut rentrer la main, poser du matos dedans (un petit quart, un bol rétractable…). Un peu ovale peut le faire aussi, type la gamelle Bundeswehr (armée allemande). Mais attention à la contenance qui limite la taille de l’ouverture et peut rendre pénible le nettoyage. L’avantage du rond est qu’on peut la ranger sur la tranche dans le sac, cela cale bien le matériel.
La contenance
La contenance idéale oscille entre 1L et 1,5L. Pour une personne 1L est plus que suffisant (les soupes c’est souvent 0,7L, les pâtes, le riz également). Pour faire de la « bonne bouffe » et parfois cuire pour deux, 1,5L est pas mal.
Le prix
Le prix idéal… dépend du budget de chacun. L’autre fois j’ai montré une gamelle Toaks à un stagiaire parisien (ha ha le retour du conflit parigo-breton) en lui disant que c’était le top mais pour un budget de 80€. Il me répond « ouais ça passe » alors que pour d’autres ce pourrait être un rêve inaccessible. Mais disons qu’au-delà de 50€ pour une popote, elle a intérêt à donner du wifi, à purifier l’eau et à nourrir les poissons qui vivent dans la paroi. Plus sérieusement, une gamelle Laken à Décathlon pour 20€, en inox, vous fera dix ans de bivouacs.
La versatilité
Enfin, la versatilité idéale, doit prendre en compte trois choses. La gamelle doit avoir un couvercle qui ferme et se bloque (si on la lance, elle ne s’ouvre pas). Ainsi vous pouvez ranger de la nourriture dedans (cuite ou à cuire) et gagner de l’espace dans le sac (ranger un truc vide est une ineptie). J’ajouterais que si une fois fermée elle est hermétique c’est encore mieux mais niveau prix on monte d’un cran du coup.
Ensuite, deuxième critère, la gamelle doit pouvoir être suspendue, je ne dis pas portée (poignée) mais bien suspendue (anse). Le meilleur moyen de cuire sur le feu de façon simple, est un système de suspente indépendant du feu, pour pouvoir continuer de l’alimenter ou au contraire de le faire breiz… braiser. De plus, si on cuit son déjeuner tôt le matin (car on profite du bivouac pour avoir un feu discret qu’on ne pourra pas faire à midi) on peut suspendre la popote brûlante sous le sac grâce à l’anse et manger bien chaud à la pause de midi.
Finalement, le troisième critère de versatilité est d’être en plusieurs morceaux (inox au mieux). Ainsi le couvercle devient une poêle ou une assiette. Les couvercles en plastique ne servent à rien, hormis transporter du matos dans votre gamelle propre et vide. Si en plus dedans vous avez un petit plat qui servira de bol, de verre ou d’assiette, c’est le top.
Je ne recommande pas pour le bushcraft ou le trek la nouvelle popote 2020, la MH100 inox 1 personne (ou 2p ou 4p). Je la boude et je l’ai déjà fait savoir aux 8 stagiaires qui l’ont acheté depuis le déconfinement. Les poignées en plastique sont inamovibles et rendent une utilisation sur un feu impossible. Vous me direz, mais si en la mettant sur le côté et… on revient au problème de base, si elle n’est pas fixée indépendamment du feu elle peut tomber et se renverser. Sachant qu’un jour ou l’autre, une poignée prendra la chaleur et ça sera le début de la fin. La même gamelle avec un système de poignées qui se clipsent aurait été niquel, surtout qu’elle se décline en 1, 2 et 4 personnes. Comptons sur la réactivité des ingénieurs Quechua pour arranger rapidement cela.
Le dernier accessoire indispensable pour la popote, est le petit sac qui va bien, qui permettra d’éviter de pourrir votre sac avec le « cul sale » de votre popote. Même en lavant bien (d’ailleurs, prenez une éponge en paille de fer pour ce faire) il restera du noir et il faut l’isoler de vos affaires, ce genre de tâches ne part pas facilement. La marque Toaks propose un sac de rangement en filet respirant, qui essuie la gamelle humide et l’empêche bien sûr de salir votre sac, sympa. Tout comme on oubliera pas de toujours embarquer un chiffon propre (les stagiaires de la Skol Louarn savent ce que cela veut dire !) dans sa gamelle, ses usages sont innombrables.
Si vous êtes plutôt dans le minimalisme, une gourde Kleen Kanteen (donc à goulot large) 1,5L vous permettra de boire, purifier votre eau et cuire dedans. Toutefois, la gourde faisant 20cm de haut, si vous cramez de la nourriture au fond bon courage pour gratter avec un bâton pendant une heure…
Je conclus cette partie « popote » en disant qu’il faut désormais bouder l’aluminium. On s’en doutait depuis 50 ans, mais de nombreuses études ont désormais démontré que de fines particules se détachaient lorsque soumises à la chaleur, et bien entendu elles finissent dans votre nourriture. Si cela est anecdotique sur un week-end, si vous sortez tous les week-ends pendant 5 ans ça devient moins glop.
Grille or not grille ?
Il existe une façon bête de se passer d’anse sur sa gamelle (dommage mais bon, parfois on se retrouve avec telle gamelle et puis il faut faire avec). C’est d’amener avec soi quelque chose que la nature ne fournit pas : le support plat qui ne brûle pas. Alors oui, la pierre peut faire ce job, mais c’est long, imprécis et la pierre en plein dans les flammes ça peut exploser.
Deux familles de grilles, celles qu’on pose au sol et celles qu’on peut suspendre. On retrouve peu la deuxième catégorie dans l’itinérance et le bushcraft, alors que trois petits fils fer et un peu de ficelle suffisent à la suspendre sécuritairement sur le feu. Après tout, si c’est pour mettre 500gr ou 1kg dessus, pas besoin d’un câble de remorquage. L’avantage de celle-là est qu’on peut continuer de bidouiller le feu par dessous, ou faire un pain sur les braises. Un rond à peine plus grand que la popote et c’est paré !
Pour les grilles que l’on doit poser « au sol », il existe plein de représentants qui valent le coup. A l’image de la bushbox qui est un réchaud à bois pliable, il existe une grille pliable où tout tient dans l’un des bords de la grille en forme de tube. C’est tout bêtement deux tubes troués comme une flûte, on y glisse des pics à brochette en métal pour créer une grille, quatre petits pieds en métal et c’est fini. Poids total 100 gr environ, prix 15€, très accessible. Par contre c’est léger et doit porter léger, on ne mettra pas un dutch-oven dessus, soyons clairs. Il existe aussi des petites grilles pliables, ou avec une poignée amovible (fonctionnant avec deux crochets à emboîter dans deux trous, simple). Des grilles carrées qui rentrent dans un sac à dos aisément (à condition d’avoir une housse pour protéger le matériel). Niveau tarif, on peut aussi récupérer un élévateur de micro-ondes, pour poser deux assiettes en même temps (3€ à Gifi). Si on garde les 4 pieds on peut la ranger hors du sac à l’arrière, si on coupe les 4 pieds on obtient une petite grille à poser sur 3 pierres. Pourquoi pas !
J’ai fait une découverte révolutionnaire en juin dernier, en me baladant dans le summum des magasins de survivalistes (j’ai nommé Action, sans blagues). Il s’agit d’une grille qui semble en caoutchouc (kevlar ?), donc flexible, pliable, roulable c’est selon, et qui va au feu. Si on la découpe à la taille voulue elle rentre facilement dans une gamelle, de quoi mettre 4-5 saucisses sur le feu en la calant avec des pierres (3 dessous et 3 par dessus). Je ne m’en passe plus, je m’en sers aussi pour la mettre sur les braises et poser un pâton dessus pour faire des beaux chapatis sans brûlures. Prochaine étape, l’amener à un forgeron pour tester les limites calorifiques du produit, niark niark.
Les suspentes
Véritable art dans le bushcraft, le woodcraft est l’art de travailler le bois pour obtenir des résultats astucieux. On peut autant faire des sculptures que des choses pratiques, comme un crochet, un porte-manteau.
La plus simple suspente existante est le trépied, rien de neuf sous le soleil. Chez les scouts on le monte avec un nœud de tête de bigue (nœud de cabestan suivi de passages dessus et dessous alternés, sur les trois perches, on finit avec un double nœud sur le petit bout du nœud de cabestan, voir internet pour les images). Il permet de régler facilement la hauteur de cuisson de ce qu’on y suspend, en écartant les pieds du trépied ou en les rapprochant. Si on aime pas les nœuds on peut aussi faire 4-5x le tour des trois perches et faire un gros nœud, ça marche pas mal si on ne met pas trop lourd. Par contre pour une structure porteuse il faut un meilleur nœud.
Au choix sous le trépied, on peut mettre une ficelle qui part vers le bas, depuis le nœud en haut (certains prennent la même corde qui a servi à faire le trépied pour ne pas la couper). Si la corde ne touche pas les flammes, elle ne brûlera pas. En bas le top c’est d’attacher (nœud de cabestan pourquoi pas) un grand bâton solide, plus large que l’anse de votre gamelle. On passe le bâton dedans et il se coince dans l’anse à la perpendiculaire. On peut le retirer en 3 secondes, pratique. On peut aussi prendre une branche avec un coude, on attache la ficelle du trépied sur le bâton côté long bout en faisant une petite encoche tout autour du bâton pour que la corde rentre bien dedans. Le petit coude qui remonte sert de crochet pour y glisser l’anse de la gamelle à suspendre. Si on en fait un deuxième, on peut sortir la gamelle avec le crochet de suspente et harponner le dessous de la gamelle avec le deuxième crochet pour verser de l’eau ou vider de l’eau de la gamelle, sans se brûler.
Pour ceux qui veulent se challenger un peu niveau woodcraft, regardez ce qu’est un trait de jupiter en charpente. C’est un double crochet opposé qui tient simplement avec une petite cale qui empêche les deux parties de sortir l’une de l’autre, c’est fascinant.
Il existe un autre système de crochet qui est vraiment technique. Deux morceaux de bois coudés, qu’on assemble à l’opposé avec sur l’un un méplat taillé en forme de carré perpendiculaire au morceau de bois (qui est aplani sur le côté intérieur de l’assemblage), sur l’autre morceau également aplani à l’intérieur, on fait un trou carré (avec la célèbre tarière à trou carré !) et il faut emboîter l’un dans l’autre pour obtenir un blocage parfait, qui avec du poids ne peut plus se désassembler.
A part le trépied, on peut aussi plus traditionnellement passer une corde dans une branche au dessus du feu, et la faire retomber pour l’amarrer à un arbre. Il suffit de coulisser la corde pour monter ou descendre la gamelle du feu.
À nouveau, cela permet de raviver le feu sans risquer de toute faire tomber ou de renverser. En stage bushcraft cela arrive au moins une fois par jour avec les stagiaires. Ils ont beau faire de leur mieux, il y a toujours un moment où… et alors quand on prend l’eau de la rivière, qu’on la filtre par blocage mécanique (dans un linge propre) et que ça prend 15 minutes pour avoir 1 L… ça fait mal et le stagiaire se fait pourrir copieusement (à juste titre, ha ha). L’autre méthode pour cuire sur le feu consiste à poser au contact direct la gamelle bien sûr. Pourquoi pas en posant deux petites bûches un peu vertes, bien rondes, pour créer un support plat. Mais là, on prend le risque que ça tombe ou qu’on doive tout enlever pour raviver le feu. Voilà pourquoi les gamelles à anse sont à favoriser.
Quoi manger dehors ?
Les recettes sont innombrables et je ne consens pas à donner les miennes à tire-larigot. On met des années à monter de belles recettes à partir de rien, qui ne soient pas trop chargées ni trop longues à cuire, pas trop lourdes à transporter. Toutefois en grand seigneur, je vais vous donner des pistes.
Un repas équilibré, on l’a vu dans la première partie, doit idéalement contenir un féculent, des légumes et de la viande ou du poisson, ou un équivalent pour gagner des lipides et autres graisses saines. Si vous partez en trek sur 3 semaines sans jamais manger de viande, ou poisson, ou équivalent, vous serez carencés et il vous manquera des nutriments essentiels. Surtout que n’oubliez pas, dehors on dépense davantage d’énergie qu’à l’intérieur où tout est facilement accessible, et puis on marche toute la journée donc on brûle des graisses (ce qui est bon, mais il faut aussi en remettre un peu dans l’organisme).
Un plat top et qui sent bon le bushcraft (ça c’est bushcraft ! comme disent certains sur les discussions facebook) c’est la tourte aux orties, mon grand dada. Pour cela il vous faut de la farine, un peu de levure boulangère, des orties, un peu de fromage (celui qui n’a pas besoin d’être au frais, moins bon mais qui se conserve longtemps dehors) et bien sûr dans mon cas, un lapin ou de la viande (fraîche ou séchée). Avec la farine faites un pâton (boule) en incorporant bien sûr la levure boulangère (pas chimique). Certains diront qu’on peut faire son levain soi-même, bon courage sans frigo et en itinérance sans maîtriser la température de pousse de la pâte. Je préfère mes petits sachets en cartonnette recyclable, quantifiés au poids pour bien doser. La pâte lèvera sous une heure au dessus des braises (à environ 1m). Sinon faites un coffre de pierre à 30cm du feu, il chauffera doucement et dessous il fera 25°c, température parfaite pour la pousse de la pâte. Avec ce feu, faites cuire vos orties (au ciseau, découper chaque feuille de sa tige, sans la tige parce que dans la bouche c’est pas bon). Ne vous inquiétez pas au début les feuilles ont du volume, mais au bout d’une minute à cuire elles vont se ratatiner et on peut remplir la gamelle à fond. 15 minutes à feu vif suffiront, si vous avez bien sûr un oignon dans le sac ou 2-3 patates, une carotte… c’est mieux. Demandez à des experts comme Laurence Talleux de vous expliquer quelles plantes sont trouvables en nature pour jouer ce rôle. A ce propos, elle a sorti un chouette livre sur les plantes comestibles, il vaut le coup ! On y apprend également la sécurité lors de la cueillette afin de ne pas s’abîmer la santé.
Quand la soupe est prête, ne jetez pas le jus malheureux, c’est une soupe d’orties ! Ce sera votre boisson du soir (chaud ou froid). Roulez les orties en petits boudins qu’on place au centre sur la pâte bien gonflée qu’on aura mise à plat. Sur les bords de la pâte posez le fromage en boudins aussi et repliez la pâte vers l’intérieur cela créera une croûte fromagère dont vous me redirez des nouvelles. Si la saison le permet ou vos petites courses, on met des champignons revenus dans du beurre ou le mieux, dans de la graisse de canard, avec des lardons de lapin qu’on a attrapé avant (en France il faut un permis de piéger, attention). Prenez le reste de votre pâte pour couvrir votre tourte joliment en moulant le contenu avec vos pouces, deux ou trois traits de couteau pour faire un beau dessin, si vous avez un œuf vous badigeonnez sinon tant pis ça sera bon quand même. Pour la cuisson, selon la taille de la tourte dans une gamelle, dans une poêle, dans les braises directement sinon, si on couvre bien de braises l’air ne passe pas donc pas de combustion, juste une saine chaleur. Sinon faire chauffer des pierres puis dans un petit trou au sol on pose les pierres, une bien plate au milieu où l’on pose son offrande de tourte, on recouvre de pierres brûlantes puis si on a un vieux torchon ou un petit sac de jute qui traînait par là, on met sur les pierres puis on recouvre de sable, de terre… Cela fait comme un four tahitien, avec une cuisson lente mais efficace. Quand ça sent le lardon dans toute la forêt et que le gibier commence à saliver à distance, c’est que c’est bien cuit.
Autre astuce si vous êtes dans une région rocailleuse, faites un petit coffre de pierre, glissez la tourte sur une pierre plate dedans, bouchez bien les trous avec des pierres puis faites le feu directement sur le coffre. Une heure après lorsque les braises commencent à s’éteindre, vérifiez la cuisson qui devrait être pas mal sous la pierre. Attention, les pierres en bordure de rivière ont tendance à exploser au feu.
Ai-je omis de dire que je verse la graisse de canard de ma poêle (celle où j’ai mis les champignons et la viande à frire) sur les orties avant de tout refermer ? Et bien sûr on sale la soupe dès qu’on a mis les feuilles, car je n’ai pas salé la pâte à pain. Le problème est que la pâte à pain sans sel à un goût peu usuel pour nos papilles de citadins, mais si on en met, le sel limite la pousse (cela gêne la levure). Il faut donc faire son choix dès le début de la préparation, mais au final il faut un peu de sel quand même.
Cela n’est qu’une recette parmi d’autres, j’aurais pu aussi vous parler du pain surprise avec camembert, sirop d’érable et lardons… du fumage de la viande pendant 5h dans les branches de sapin ou les fougères… des poivrons vidés et remplis d’eau, posés sur les braises puis terminés en fin de cuisson en les posant bien droit sur les braises avec un œuf dedans pour multiplier les sources de nutriments. Avec un ami, salut Jacob, on a testé un gros potiron vidé et rempli d’eau avec des féculents dedans, posé dans le feu ! On a un peu raté notre recette ce jour-là, mais c’était quand même bon à manger ! Comme pour toute chose, le bushcraft nécessite d’expérimenter, de s’entraîner et comme toujours : pratiquer, pratiquer, pratiquer.
Livrez-nous vos recettes afin de troquer un peu de savoir. N’oubliez pas que votre objectif est au long terme, de venir avec le moins d’ingrédients possibles afin de vous forcer à chercher dans la nature des palliatifs naturels. On ne porte pas sa nourriture ainsi, on la prélève intelligemment dans la forêt. Si on pêche ou que l’on chasse, ou piège, on a également l’assurance de faire bonne ripaille. A condition de respecter les quantités prélevées sur place pour permettre au temps et à la nature de faire leur ouvrage et de capitaliser pour l’année suivante.
À bientôt dans la verte !