Lorsque tout va mal, que vous êtes perdus, blessés, frigorifiés ou au contraire que la température est très élevée, qu’il vous manque le matériel de nécessité pour quelques jours dans la nature, l’abri de survie sera votre seul ami. Il peut augmenter vos chances de survie de manière déterminante, voyons comment le bâtir !
Qu’est-ce que la survie déjà ?
Vous retrouverez le sujet défini dans d’autres articles sur ce site, mais reprenons rapidement. Une situation de survie est un moment T ou un lieu X qui, où prendre les mauvaises décisions pourrait mener à votre mort. On essaie donc de dépasser le simple cadre de « la vie » qui ne suffira pas à préserver votre santé, on va donc « sur-vivre ».
En résumé, toute situation où votre vie pourrait être menacée, est une situation de survie. Dans ces cas-là, seule la chance, l’environnement et vos connaissances feront la différence entre un jovial article « retrouvé vivant en sirotant son pipi dans une noix de coco » et un triste : « un corps inconnu a été retrouvé en forêt ».
Voici un petit check up que j’aime enseigner sur mes stages à la journée, quand il faut aller à l’essentiel. Il s’agit de 5 questions à se poser pour évaluer notre situation. Si vous ne pouvez pas répondre à l’une d’elles, c’est mauvais signe, s’il vous manque 2 réponses, vous êtes probablement sans le savoir en situation de survie, plus que 2, c’est une évidence.
OU : savez-vous où vous êtes ? L’endroit précis je veux dire, si vous avez dérivé plusieurs jours sur une embarcation de fortune, si vous avez erré en forêt sans retrouver de sentier, si vous êtes dans une zone désertique ou neigeuse sans croiser de signes humains, vous êtes perdus.
QUAND : avez-vous encore la notion du temps ? Une montre peut-être ? Avec le soleil ? Pouvez-vous timer votre durée d’errance ? Remonter les derniers événements et tracer une chronologie ? Avez-vous perdu connaissance au moins une fois ?
QUOI : quelle est la raison de votre présence ici ? Êtes-vous là exprès ou bien on vous a forcé (le destin, une tempête ou une personne) ? Que se passe-t-il de dangereux dans ce coin (exploitation forestière, carrière avec explosifs, mine de sel), le savez-vous ?
COMMENT : par quels moyens êtes-vous arrivés là ? Si vous pouvez faire demi-tour de manière certaine, vous n’êtes pas perdus, encore moins en danger. Connaissez-vous le chemin pour rentrer chez vous, à votre véhicule ? Avez-vous toujours un accès à votre chemin initial ou non (éboulement, avalanche, montée des eaux, tempête) ?
QUI : êtes-vous venu seul ? Aviez-vous un groupe ? Si oui, où sont-ils ? Si vous êtes séparés pouvez-vous les rejoindre ? Si vous êtes seul, du monde sait-il où vous géolocaliser rapidement et avec précision pour les secours ?
J’ai inventé cette petite règle en me basant sur les fameux WH QUESTIONS des cours d’anglais. Cela permet à la fois d’évaluer sa situation, mais aussi de se rassurer et se montrant que si l’on ne répond pas positivement à toutes, on a quand même des éléments. Si on n’a pas lâché la temporalité, on sait encore quel jour on est, on peut en déduire combien de kilomètres on a marché ou dérivé, combien de jours encore avant que les secours ne se mettent à notre recherche, combien il nous reste de réserves de nourriture ou d’eau. La maîtrise de certaines données rassure le survivant (j’utilise aussi le terme »surviviste » pour bien séparer de la discipline survivaliste).
Une fois que vous avez établi avec certitude que ce n’est pas une blague, que vous êtes réellement perdu en forêt (voir l’article : Survivre en forêt) et que votre seule option du moment sera de faire un abri pour la nuit ou quelques jours, alors on pourra s’intéresser au fascinant exercice de l’abri de survie.
Il existe une grosse différence entre un abri de survie et une cabane d’enfants faite à 20 m du parking. Contrairement aux images de l’article qui n’ont qu’une vocation d’illustration, un abri de survie n’est pas « une cabane ». C’est du sérieux et si on s’y entraîne, et pourquoi pas avec des enfants, il faut bien faire la distinction. Cela me froisse un peu quand j’anime un stage en forêt et que je vois au loin des parents dire à leurs enfants « tu pourrais dormir là tu serais bien ». On comprend tous que c’est pour la blague, pour valoriser le travail de l’enfant et le rendre fier d’avoir sali ses mains et mouillé le maillot. Mais autant lui expliquer qu’un bon abri doit être stable, solide, sécurisé et hermétique au vent comme à l’eau, sinon c’est une « cabane ». Je suis un grincheux certes, mais je suis de ceux qui préfèrent lier l’utile à l’agréable (tant qu’à faire autant bâtir un vrai abri et passer la nuit dedans avec les petits pour tester).
Enfin, avant de débuter l’article, je rappelle simplement que, bâtir un abri n’est pas la priorité première en situation de survie. Tout d’abord on doit analyser notre situation, peut-être que marcher est le meilleur moyen d’être retrouvé à ce moment-là Peut-être qu’on peut se passer d’abri car la météo est clémente et passer le temps gagné à chercher à boire, à préparer des balises pour marquer le terrain au petit matin ?
Le coup de chance
Vous êtes au milieu de nulle part, perdu, fatigué, au bout des réserves dans le sac, vous tombez sur ce genre de ruines. Cela est bon signe ! Alors on se rapproche d’une configuration « grotte » donc on fera énormément attention aux serpents, araignées, scorpions (désert oblige). Ensuite, on vérifiera l’intégrité structurelle du bâtiment. Si un coup de bâton dans la poutre centrale fait craquer ou bouger quoi que ce soit, on ne reste pas là tant pis (autant dormir dehors, à l’opposé du vent bien à l’abri d’un mur solide).
Toutefois, si la ruine tient ses promesses, arrangez-vous pour dormir sous le meilleur coin de toit possible, quitte à prendre quinze minutes (pas plus) pour réarranger des planches ou une bâche pour rediriger la protection maximale du toit sur la zone du couchage (2 m sur 2 m serait intéressant).
On commence ensuite à faire son shopping, toute ruine présente ses petites trésors. Un bout de câble ou de corde (selon l’état), une casserole ou une vieille boite en métal, un objet coupant pour faire une lance, un nid d’oiseau pour l’omelette matinale (70% de chance que l’œuf soit fécondé, encore mieux pour les protéines, tout ami de la LPO que je sois…). Souvent dans les ruines au milieu de nulle part, on est en réalité sur une ancienne exploitation de quelque chose, minière, forestière, etc. Donc on trouvera peut-être un bidon avec un combustible quelconque, des tissus… cela sent la torche ou l’allume feu « waterploof ».
Au-delà de ces considérations purement matérielles, trouver une ruine indique que l’humain a vécu ici. Vous trouverez sûrement en cherchant bien une route, une carte, un panneau, une rivière, un puits. C’est la moitié du chemin accompli pour être sauvé ou se sauver soi-même. Si les secours connaissent bien la zone, ils savent qu’il existe une grande chance que vous ayez aperçu le lieu et trouvé à vous y cacher. Si en effet le lieu dispose d’un puits encore fonctionnel par exemple, cela vous fait une base toute désignée pour y dormir. Les déchets des uns faisant le bonheur des autres, vous aurez sûrement du bois mort (charpentes) et du combustible, soit de quoi bien vous installer et tenir plusieurs jours (avec juste de l’eau, je vous renvoie à la règle de 3 de Ron Hood).
Le jackpot serait en prime de trouver un vieux véhicule abandonné. Cela vous fait un réservoir ou de l’huile de moteur, des pneus, du métal… Brûlez-moi tout ça au premier bruit de moteur et vous aurez un batsignal géant comme ambassadeur auprès des secours. Mais soyons honnêtes, si vous êtes perdus et en situation de survie, c’est que vous n’avez pas trouvé de chemin ou de ruines, donc abordons l’épineux problème de s’abriter par soi-même.
Le meilleur type : l’abri naturel
L’image d’illustration n’est pas anodine. Une grotte, surélevée pour éviter l’inondation, avec une entrée assez petite pour bloquer le vent mais assez grande pour ventiler la fumée d’un feu, c’est le rêve. Ce n’est pas pour rien que pendant des centaines de milliers d’années nos ancêtres (pas les gaulois, les autres encore avant) vivaient dans des grottes. Leurs murs épais maintiennent une température idéale de 10-13 °C hiver comme été, le sol bien que frais ne souffre pas d’humidité comme en sous-bois, pas trop d’insectes car pas de végétation, solide car présents depuis des milliers d’années.
Si vous êtes perdus au milieu de rien et que vous apercevez une grotte, c’est le bon plan du coin. Mais attention, je ne dis pas de foncer naïvement avec une écorce d’épicéa à la main pour relever les nuances de couleurs murales et anticiper votre nouvelle décoration intérieure. Il faut d’abord analyser l’extérieur, pour savoir si l’emménagement est pertinent. Devant une grotte utilisée par un animal (généralement de belle taille ET carnivore car les herbivores n’ont pour seule cachette que leurs pattes puissantes) il y aura des traces de sa présence. À commencer par des excréments. S’ils sentent fort en reniflant au-dessus, c’est la fin des promos sur les locations, partez rapidement sans courir, sans faire de bruit. Si en touillant avec un bâton ils sont secs, vieux et s’effritent facilement, il y a une chance que l’animal soit parti ou mort. Inspectez alors d’autres indices comme les poils accrochés à hauteur de hanche, sur les pierres ou les branches. Des traces de griffes sur les arbres peut-être ? Si la sève coule encore, c’est récent, on décolle de là. Y a-t-il des carcasses d’animaux devant la grotte ? Si vous voyez un herbivore entier, mieux vaut s’en aller car rares sont les petits animaux carnivores mignons capables de ramener une telle masse jusqu’à leur canapé. Le pire, serait de tomber sur une famille (mère dangereuse ou jeunes fous intrépides) qui pourrait alors vous encercler et vous donnez la chasse avec peu d’espoir de survie.
Je rappelle à titre amical que si beaucoup de carnivores fuient devant l’humain, croisé dans la forêt, ce n’est pas la même chose lorsqu’ils sont pris par surprise dans ou devant leur tanière, au saut du lit ou avec leurs petits, acculés et apeurés. Survivre c’est aussi éviter le sur-accident, mieux vaut mal dormir sous la pluie qu’ouvert en deux par une patte de grizzli, non ?
Je n’oublie pas de citer les empreintes de pas, il existe quelques astuces pour en estimer la fraîcheur. Info à la volée, si dedans vous trouvez une feuille morte ou plusieurs, si elles ont été piétinées à la forme de l’empreinte, vous savez que l’animal est passé là après l’automne ou pendant (pas avant). Si la feuille est tombée au fond comme un pétale de fleur sur la rosée du matin, sans avoir été piétinée, l’animal est passé là avant l’automne. Cela ne fonctionne pas à 100%, mais je dirais un bon 80% du temps. L’ichnologie est une matière scientifique et de terrain qui demande des années de pratique.
En outre, dans une grotte vous avez un abri horizontal vous protégeant de la pluie ou la neige, mais vous conservez une très bonne visibilité sur l’extérieur pour justement voir venir un danger animal, voir un reflet de lumière si votre groupe est éparpillé, voir passer un avion ou un signal lumineux sur un flanc de montagne.
Si vous êtes certains que la grotte est dépourvue de prédateurs, il vous reste néanmoins un check up à faire. Il y a trois amis que l’on y retrouve souvent et qui pourraient perturber votre pendaison de crémaillère. J’ai nommé les chauves-souris, qui si elles ne sont pas franchement dangereuses pour l’humain, peuvent créer suffisamment de panique pour faire heurter un mur ou se cogner la tête (sans compter la morsure). Mais aussi les serpents qui peuvent apprécier en hiver ou dans le désert (parfois à 0 °C la nuit) une grotte à 12 °C, mieux que rien, surtout à l’entrée qui est gentiment chauffée en journée par le soleil. Enfin, les araignées adorent faire des toiles au plafond des entrées, là où passent de nombreux insectes à la recherche d’un abri contre le vent ou la pluie. Je ne cite pas les nids de guêpes mais ce n’est pas rare qu’elles aiment les entrées de grotte. Avoir du miel au petit-déj c’est fun, mais se faire piquer vingt fois et risquer un choc anaphylactique est moins drôle.
Méfiance donc, on peut soulever les pierres suspectes avec un bâton (2m histoire d’éviter la morsure de serpent) et aller dans les coins invisibles proches de la couche, à la torche enflammée pour faire le ménage. Alors oui, je ne précise pas mais, en situation de survie vous constaterez que les principes écologistes disparaissent assez vite. Toute chose pouvant mettre un terme à votre vie, est à éloigner ou à éliminer. Jamais un survivant n’a rapporté avoir dit « j’ai croisé tout un groupe de serpents, ils étaient sympa on a tapé le poker ensemble dans la grotte, ils sont repartis à la nuit tombée dans leur coin et moi dans le mien ».
Bien sûr, la grotte de la photo, probablement en Asie, est belle et en hauteur. Fuyez les grottes sous le niveau de la mer, avec des entrées en boîte aux lettres (terme de spéléologie indiquant une entrée étroite où il faut ramper pour se faufiler). Imaginez être réveillé par les clapotis d’un ruisseau d’eau (il pleut) qui s’est créée dans la grotte et qui vous bouche la sortie sur 20 m (distance à partir de laquelle la plupart des gens ne pourront pas retenir leur souffle en nageant, disons 15 m avec le stress de mourir). Mieux vaut pouvoir sortir en marchant et se dire « ah j’ai eu chaud » ou bien juste remonter le feu sur une partie plus élevée de la grotte si vous voyez bien que l’eau ne montera pas plus haut du fait d’une grande entrée de grotte.
Outre les grottes, on peut trouver des affleurements rocheux en montagne, ça peut faire l’affaire à condition de vérifier autour l’absence de grandes fissures qui n’inspirent pas confiance. Si vous voyez plein de gros morceaux manifestement tombés de votre futur « toit », aller ailleurs est peut-être une meilleure idée. Sachant que généralement si vous avez trouvé ce lieu c’est que vous l’avez vu de loin et avez marché longuement pour l’atteindre, peut-être en portant du bois mort pour le feu, donc on comprendra que vous vouliez juste vous poser et dormir. Il faut parer au plus urgent. S’il pleut, que vous avez froid, que vous êtes épuisés, qu’il fait bientôt nuit, n’importe quelle bosse dans les rochers sera un meilleur plan. On vérifie juste comme auparavant les prédateurs marchant, rampant et volant.
Le détail qui tue (blague à part) restera l’isolation du sol. Dormir à même la roche est inconcevable, elle sera froide à la nuit tombée (même en journée), vous n’aurez peut-être pas de duvet et de manteau. Donc on ramasse de la matière naturelle (fougères, branches de sapin, roseau, herbes hautes) et on se fait un bon lit pour éloigner l’hypothermie par conduction (contact avec le sol). Ne vous leurrez pas, il ne sera pas confortable (sinon c’est que vous avez de la matière facile juste à l’entrée ou de l’énergie calorique à profusion), juste bien isolant.
Survie avec le sac à dos
Eh oui, on n’a pas dit non plus que la survie était forcément le dépouillement matériel. Toutefois, la survie étant régulièrement définie comme inattendue, brutale et impitoyable, il est peu probable que vous ayez tout votre joli matériel de bivouac. Si une telle situation vous frappe pendant un bivouac ou un entraînement de survie, félicitations c’était le bon moment (ou pas félicitations d’ailleurs car cela signifiera que vous avez mis inutilement votre vie en danger).
Admettons, vous aviez dans votre sac à dos une bâche (tarp) ou une petite tente de bivouac. Eh bien pourquoi pas, mais cette tente par exemple, vous empêchera de vous réchauffer de manière fonctionnelle si vous n’avez pas les vêtements et le duvet qu’il faut pour affronter la température minimum annoncée pour la période donnée, dans la zone donnée (s’attendre au meilleur, se préparer au pire). Certains randonneurs sont morts de froid car ils ont préféré la sécurité toute relative de leur tente alors qu’assis au pied d’un arbre avec un petit feu devant eux ils auraient sans doute tenu la nuit. Méfiance donc à ce niveau. Je préfère sans sourciller un(e) tarp à demi-ouvert avec un feu nodia devant (feu indien aussi nommé Long Fire au canada) et au surplus voir autour de moi un ami ou un danger arriver, pourquoi pas les secours. Dans cette situation, vous avez de grandes chances de vous en sortir car généralement si on a son sac à dos, on a au minimum de quoi se chauffer (feu et vêtements/duvet), de quoi porter de l’eau (gourde) et de quoi manger (en rationnant, 2 paquets de riz peuvent faire la semaine largement). Il est fort possible que vous étiez en réalité juste perdu, ce qui ne constitue pas forcément le début d’une situation de survie (une réponse négative à mon check-up de 5 questions, ça va encore). En continuant au petit matin vous verrez sûrement des signes de civilisation ou de votre cap à suivre. Si vous avez un téléphone et une batterie externe, le destin se désintéressera de vous
L’abri de survie tout prêt
Nous entrons ici dans le cœur du sujet, qu’il nous fallait dégager avant pour en garantir un meilleur accès. Il y a nombre de considérations dont il faut tenir compte ici, rien de drôle ou d’excitant, juste un ensemble de savoirs qui permettront de prolonger votre vie.
Dans l’article sur la survie en forêt, vous verrez que la préoccupation première est ce que j’appelle la nécessité énergétique. Pour rappel, c’est un déséquilibre qu’il faut rechercher en tout temps pour préserver ses forces. Je ne bouge que si je le peux et surtout si cela me rapporte plus que je ne dépense. Cela veut dire que si je n’ai pas de nourriture pour refaire mes réserves, d’ici 24 h je serais un peu faible mais encore à peu près vaillant, mais dans 48 h je serais devenu inapte aux tâches physiques difficiles (marcher longtemps, abattre un arbre, porter des choses lourdes). Donc je dois faire en sorte que cette capacité physique qui est la mienne soit préservée au maximum pour s’étirer non pas sur deux jours mais sur trois, ou quatre, cinq. Autrement dit, je dois me maintenir entre me reposer et combler mes besoins. Pour cela, chaque geste doit être pesé avec soin. Si je dépense 1 L d’eau pour gagner ½ litre d’eau, autant ne pas bouger, je gagne ½ d’eau finalement et je prolonge ma vie d’une journée. C’est ça la règle de la nécessité énergétique en survie.
Cela vous mène à quoi ? À réfléchir au meilleur type d’abri possible : si vous devez tout bâtir de zéro, c’est que vous n’avez pas compris la règle. Au lieu de par exemple secouer un jeune arbre pour en casser le tronc et faire une faîtière (poutre) pour un « debris shelter » (un abri en débris végétaux), j’utilise un tronc plus gros, bien positionné (en forêt cela ne manque pas) qui en plus m’offre toute sa largeur comme protection hermétique au vent et imperméable à l’eau. On vérifie avant de débuter bien sûr que le tronc est tombé depuis un moment et ne bougera pas dans la nuit.
Si vous voyez un gros rocher, cela vous fournit un mur de qualité contre lequel bâtir votre abri, en plus si vous faites un feu dans cet espace, la pierre va chauffer et vous pourrez dormir dos à elle. Sinon, un arbre tombé offrira une cachette naturelle dans ses racines, cela forme un trou qui est souvent abrité par le tronc gisant. Si l’espace est plein d’eau bien entendu, on ira ailleurs, mais si c’est sec on positionnera des végétaux au-dessus des racines pour faire un préau, on fera le feu devant nous et on utilisera cette cavité naturelle comme un chiot perdu pour se réchauffer au mieux. Le moins d’efforts nous fournissons, le plus longtemps nous tiendrons le coup.
Si vous êtes en désert, ce sera plutôt des rochers en journée pour chercher l’ombre et la brise afin de se refroidir, on marchera en fin de journée quand le sable a refroidi et tôt le matin avant 11 h car le soleil sera alors peu amical. On peut aussi marcher la nuit pour lutter contre le froid et justement profiter de la fraîcheur mais, si on n’a pas de lumière ou de visibilité le bon sens nous l’interdit.
En neige, à moins d’être tombé d’un avion en haute altitude et d’avoir survécu, vous serez à un étage montagneux pourvu d’arbres. Trouvez un sapin et vous constaterez qu’à son pied la neige ne tombe pas pleinement. On peut dégager le tout en 30 minutes maximum pour se faire de quoi dormir. Alors, je vois dans certains reportages de survie des experts dire que pour la litière (l’isolation du sol pour dormir) on prend des branches au-dessus de nos têtes, et paf ça fait le job ! Oui, mais non ! On se bouge sur 10 m pour aller prendre les branches ailleurs car déjà votre toiture n’est pas 100% parfaite, si en plus vous retirez une trentaine de branches cela ne va pas s’améliorer. On n’oublie pas en neige que si on bosse dur, on retire une couche de vêtements pour favoriser la sortie de la transpiration et ne pas faire geler les vêtements après l’effort, tant qu’à faire. Ce gel une fois au chaud fondra et mouillera vos vêtements. En survie, mouillé = froid = hypothermie = mort.
Si malgré cela vous n’avez pas d’arbres car il fait nuit, ou vous êtes montés trop haut pour vous repérer et il fait nuit, oubliez l’igloo qui demande des mois d’entraînement (des années ?), une scie, de la glace, de la lumière et surtout 4-5 h d’efforts. Peu utile pour 4-5 h de sommeil non ? Par contre une tranchée dans la neige, de la matière végétale au fond, une bâche sur la tête, cela peut faire le job (voir aussi la technique de la tortue si vous avez un poncho et une bougie). Le quinzhee est également votre ami, aussi appelé snowcave en anglais ou « hutte de neige » par nos cousins québécois. Il s’agit d’un tas de neige qu’on laisse geler (durcir) puis qu’on va creuser par l’intérieur pour se faire une couchette et de quoi lever la tête. La neige étant un bon isolant, vous pourrez espérer approcher du zéro degré dedans au lieu des -10 ou -30 dehors. Attention, cela requiert 3 à 8 heures d’attente pour que la neige prenne bien avant de creuser (plus court si on peut tasser le tas). La question qui se pose ici, à la vue du sacrifice manifeste que demandera l’effort à fournir pour entasser et creuser la neige est : si je ne fais pas cet abri, vais-je survivre à la nuit ?
Pour info, cela ressemble un peu à ça :
En jungle c’est plus compliqué, on n’y trouve pas souvent de grottes, tout est humide, souvent marécageux. S’il ne pleut pas encore, il va pleuvoir cette nuit, c’est peu encourageant si vous êtes perdus sans matériel. Mais, on trouvera toujours à s’organiser avec des matières végétales comme des feuilles d’arbres qui, tant pis pour l’arbre, en grand nombre pourraient vous offrir une toiture correcte pour dormir 3-4 h même par intermittence. C’est plus le manque d’hygiène ou les insectes qui vous incrimineraient plutôt que le froid dans ce biotope. Donc, on dort en hauteur (même 1 m suffira), jamais au sol et si on peut éviter de dormir dans des vêtements trempés, la pneumonie se soigne mal sans médecine moderne.
L’abri de survie bâti de ses mains
En parlant de la jungle, on constate que parfois malgré toute la bonne volonté du monde, il va falloir gaspiller de nos réserves énergétiques pour construire quelque chose qu’on n’a pas naturellement autour de nous.
N’oubliez pas les conseils précédents, tout ce qui existe déjà doit être exploité. Si vous ne trouvez pas d’arbre couché, vous n’êtes pas dans une forêt et vous ne pourrez pas bâtir un appentis ou un abri de débris végétaux (qui requière une structure en bois). Mais admettons, vous avez mal à la cheville, faire le tour du bois est trop pénible, ou bien la nuit arrive vite, ou les enfants ont vraiment froid (ou vous)… Bon, partons de zéro !
La meilleure forme d’abri de survie est celle de l’abri de débris, pourquoi ? Tout abri ouvert comme un appentis, laisse passer le vent, un peu de pluie, le froid. Ce sont les trois éléments contre lesquels vous devez à tout prix protéger votre corps. Si votre température corporelle descend trop bas vous serez en hypothermie, pour lors vos fonctions cognitives et motrices seront altérées et vous ne parviendrez plus à bouger pour ranimer vos membres, ils gèleront et à un moment donné votre cœur cessera de battre. Ce n’est pas agréable, ni rapide, ni indolore.
Pour réaliser un abri de débris il faut monter deux bouts de bois en forme de A (comme un tipi). On les fixe bien ou on les coince durablement entre eux. Dessus on pose une faîtière, un long morceau de bois qui ira du haut du A jusqu’au sol, c’est la forme générale de votre abri. L’écart entre les pieds du A sera de vos épaules plus une paume de main de chaque côté. Trop grand, l’abri ne va jamais chauffer l’air ambiant. Trop petit, vous taperez dedans, vous toucherez les parois humides ou pire, vous ferez tout écrouler sur vous (et vu votre poisse ce sera pile quand il pleut). La hauteur intérieure du A sera un peu en dessous de votre taille, vous voyez qu’on ne cherche ni le confort ni la hauteur sous plafond, on cherche à créer un manteau végétal autour de nous, pour conserver notre balance thermique au mieux de sa forme.
Une fois ces trois bâtons bien posés, on vient entremêler des bâtons parallèles aux pieds du A pour former un squelette en bois jusqu’au bout opposé qui touche le sol. De loin cela ressemble à un canoë renversé. Bien sûr votre faîtière fera votre longueur de corps les bras levés, pour pouvoir vous glisser dedans. Si une fois les pieds au fond votre buste est en dehors de l’abri, vous aurez fait cela pour rien. Il ne faut pas que ces nouvelles traverses dépassent trop de la faîtière sinon elles feront couler l’eau le long, jusque dans l’abri. On peut au besoin, si on dispose de cordage, attacher quelques traverses entre elles puis à la faîtière pour éviter que tout ne vous tombe dessus. Le mieux étant de caler le bois avec ses courbures naturelles pour gagner du temps et de l’énergie.
Quand j’ai mon squelette général, je dispose des branches dessus, les petits rameaux vers le bas pour l’écoulement éventuel d’eau. Le top serait bien sûr d’avoir des branches de sapin vivantes pour augmenter l’isolation du toit. En neige, cette étape suffit, on remplit ensuite les branches de sapin de neige puis la première chute de neige comblera les espaces.
Quand vous ne voyez plus l’intérieur de l’abri (dedans il fait déjà bien noir) depuis l’extérieur, c’est qu’il y a assez de branchages. Par-dessus on vient déposer une épaisse couche de débris (d’où le nom de l’abri) le mieux étant des feuilles d’arbres. Quand je dis épais, je pense à un mètre tout autour, pas 5 cm. On se moque de conserver ou non la forme initiale de l’abri. Ce qu’on veut c’est qu’en cas de pluie, on reste au sec. Faites un test : posez une lampe dedans ou une bougie. Si de l’extérieur vous voyez la lumière, c’est par là que le froid et la pluie, le vent, rentreront. On remet des feuilles, que l’on peut ramasser dans son manteau ou son poncho (côté extérieur pour garder l’intérieur sec).
On peut fabriquer une vraie porte en entremêlant des petites branches en quadrillage, puis en finissant avec des branches de sapin pour obstruer les trous, mais il faut garder un peu de passage pour l’air afin de pouvoir respirer dans l’abri (surtout si on fait un feu juste devant). Si votre abri est tellement bien isolé que vous voyez de la condensation apparaître en haut, prévoyez une sortie d’air horizontale aux pieds (mais couverte par le haut) qui va créer un petit courant d’air au plafond.
Devant, à environ 1 m et en ayant pris soin de bâtir l’abri dos au vent ou perpendiculaire, on pourra faire un bon feu avec pourquoi pas un réflecteur en bois derrière (en V ou en C). Je vous renvoie à la vidéo de mon humble cadet breton Jacob Karhu qui a étudié scientifiquement le phénomène de réflexion de près. Nous ne sommes pas forcément d’accord (depuis il a arrêté de faire des vidéos, coïncidence ? Je ne crois pas ! Ha ha bisou Jacob) mais il a bien argumenté la chose et cela vaut le coup de se pencher sur son étude.
Si le feu ne chauffe pas forcément plus ou moins avec ces réflecteurs (aussi appelés murs bushcraft), au moins vous aurez moins de vent dans l’espace attenant à votre abri, se protéger contre la convection est toujours bienvenu en survie. Ainsi, protégé de la pluie, du vent et du froid, il n’y a pas de raison de mourir dans la nuit. Au contraire, il se peut même que vous ne dormiez pas trop mal. Prévoir 2 ou 3 bûches le long de son corps pour quand le froid vous réveillera, pour les poser dans le feu.
Si vous deviez rester longtemps à cet emplacement, intéressez-vous au super-shelter (anglais / allemand) qui est un petit fort de bois d’1 m de haut sur environ 3 m de diamètre. Dedans vous bâtissez des appentis tournés vers l’intérieur d’un rond ou d’un carré, pour abriter des dormeurs, le bois sec, le matériel. C’est bien protégé, avec la technique du mur bushcraft (4 piquets plantés et du bois mort empilé entre eux). Cela demande une scie ou de s’embêter à casser du bois sur mesure, mais c’est pas mal efficace contre le vent, la pluie et le froid.
L’implantation de l’abri de survie
Un choix vous est offert comme lot de consolation si vous devez bâtir votre abri de A à Z. C’est celui de l’implantation : où le mettre. Si on trouve un rocher ou arbre qui va bien, c’est top, mais peut-être que le vent sera dans le mauvais sens, ou qu’une fourmilière sera pile à cet endroit, où un champignon qui pue la mort, un nid de guêpes, etc.
Par contre si on peut choisir où se poser, on sera bien attentif à ce genre de détails.
Les passages d’animaux. Si vous voyez que l’endroit visé est manifestement sur une sente ou près d’une bauge (dodo) ou d’une souille (cure thermale), on s’éloigne d’au moins 50 m.
Les écoulements naturels. Si vous êtes proche d’un pierrier ou d’un lit de rivière en montagne, tout ce qui est en haut finit un jour par descendre disait votre mère, souvenez-vous. Mieux vaut ne pas être sur son chemin le moment venu. On s’éloigne et on évite le petit recoin plat en plein juste en bas d’une pente car l’eau y passera forcément et vous serez sur le chemin. Le bon campeur ou le scout avisé pourrait rétorquer qu’on peut creuser des rigoles en A (pointe vers le sommet) pour inviter l’eau à nous contourner. Vrai, mais creuser demande un effort physique et ne garantit pas la sécurité du couchage (s’il pleut beaucoup vos rigoles vont se boucher et déborder sur… vous !).
Les rivières ou torrents. S’il pleut et que vous avez fait un bel abri, il serait dommage que le lit de la rivière ne monte dans la nuit et vous mettent à la rue, cela vaut aussi en bord de plage. Même si le dépôt d’algues semble indiquer tel endroit comme un maximum de marée, prenez 10 m de recul à tout hasard.
Le vent dans le dos. Ce genre d’abri ne doit pas vous prendre plus de deux heures, en maintenant une allure de croisière lente pour ne pas forcer bien sûr, et à condition de pouvoir s’hydrater pendant cet effort, si minimal soit-il. Mais tout cela n’aura servi à rien si vous ouvrez votre abri face au vent, il vous amènera l’air froid pendant toute la nuit, la neige et la pluie potentiellement. Alors que si vous bâtissez dos au mur, vous n’aurez pas la fumée dans l’abri (fondamental pour bien respirer), puis la neige et la pluie tomberont quelques centimètres devant vous, pas de stress.
L’isolation au sol. Bear Gryll’s cite régulièrement un vieil adage de survie américaine : une couche en dessous vaut mieux que deux couches au-dessus. Cela signifie que le meilleur toit du monde ne saurait vous tenir chaud si vous êtes allongé sur un sol humide et froid. Donc s’il faut dédoubler la bâche ou le nombre de branches de sapins, autant bien gérer le sol (dessous) et moins le toit (dessus). Bien sûr s’il pleut vraiment, il faudra alors isoler le toit et rester assis sans dormir (si on manque de matière isolante j’entends). Le mieux étant un toit imperméable et un sol bien isolé. Il ne chauffera pas franchement, mais vous ne perdrez pas votre chaleur par conduction avec cette matière froide qu’est le sol.
Le superflu. Tout ce qui n’est pas de l’isolant anti-pluie, anti-froid, anti-vent n’est pas nécessaire à l’abri et déséquilibrera trop votre « nécessité énergétique » qui est votre mantra en situation de survie. Toute dépense doit avoir une utilité, sinon c’est forcément une idée de bouse.
En conclusion
Vous l’aurez compris, l’abri idéal n’existe pas, il sera bâti selon les moyens du bord. Parfois en pierre, parfois creusé entre deux dunes de sable avec un drap sur la tête, d’autres fois en bois ou en feuilles, pourquoi pas en herbes tressées ? Dans le paléo-bushcraft ils ont plein de matériaux tressés qu’ils utilisent pour faire des toitures qui n’ont rien à envier aux chaumières gauloises niveau isolation, se renseigner.
Toujours est-il que votre abri sera fonctionnel, on entre et on sort aisément ; il sera à la bonne taille donc assez grand pour entrer sans « tout casser en d’dans » mais pas trop grand pour lutter contre la déperdition de chaleur ; il ne sera pas sur un terrain dangereux pour vous ; il serait fait avec une économie d’énergie scrupuleuse.
C’est aussi là qu’on constate que si vous aviez pris un bête poncho en rip-stop avec œillets, vous auriez eu un couchage de 2 m sur 1 m, parfaitement imperméable, sur lequel vous auriez pu rajouter des feuilles pour isoler du froid et protéger le tissu des braises volantes, une faîtière pour stabiliser l’abri et 1 h 30 d’efforts en moins. C’est cela qu’on appelle la prévoyance et qui fait que, même si une situation de survie ne prévient jamais, si on est toujours prêt au pire (tout en espérant le meilleur) on sera rarement pris au dépourvu.
À bientôt dans la verte !