Vaste sujet, quelques livres sont enfin sortis en français sur ce thème. Il était temps depuis le renouveau moderne de la discipline après la WW2 qui a lancé une nouvelle génération de bushcrafteurs dans la nature ! Allant jusqu’à des pays insoupçonnés comme la Chine, l’Indonésie et… la France ! Voyons un peu comment découvrir le bushcraft et se lancer, sachant qu’ultimement bien entendu vous ferez comme vous voudrez de toute façon !
Les origines de la discipline
J’en parle régulièrement dans les salons et les conférences car beaucoup de personnes n’ont même jamais entendu ce mot. Le bushcraft est une notion, un concept, un mode de vie, un nom qui reprend des centaines d’autres choses, on a du mal avec cela. On s’attend de prime abord à ce qu’on nous parle d’un sport. Un peu comme la pêche, c’est un sport mais ce n’est pas sportif à la base, toutefois il fallait bien la classifier quelque part.
De tout temps l’humain a dû s’adapter aux défis de son environnement. A la base, si nous descendons bien des primates (conception darwiniste areligieuse) nous étions plutôt destinés à vivre perchés et dans des forêts. Toutefois, les changements de climats ou les surpopulations nous ont poussé à fouler davantage le sol, à chercher d’autres sources alimentaires que les fruits (la viande !) et surtout d’autres territoires. Mais c’est bien connu, entre deux forêts se trouve toujours une plaine ou un désert. Il nous a fallu apprendre à transporter de l’eau, à en trouver, à faire en sorte qu’elle ne nous rende pas malade ; à trouver à manger, un abri…
C’est le début de la préhistoire et les petites astuces d’une maman singe à un bébé un peu moins singe à chaque génération, qui nous a menés aux techniques dites primitives. Os, silex, premières hachettes, premiers coutelas de Rahan, peaux de bêtes pour se vêtir… 400’000 ans plus tard, les bushcrafteurs sont encore face aux mêmes problèmes, c’est fascinant car malgré toute notre technologie, cela nous ramène aux besoins primaires qui sont les nôtres (Maslow) et surtout à notre habilité à les combler.
Puis nous avons connu deux grands chocs au travers de la fameuse révolution néolithique. Je m’applique sur ce passage là car je sais que les copains Robin et Laurent liront l’article et ce sont des spécialistes du paléo-bushcraft. Nous sommes passés de l’état de chasseurs-cueilleurs nomades (nous suivions les grands troupeaux de buissons et de ruminants) à celui d’agriculteurs. Nous avons dominé le cycle du règne végétal en observant les graines qui repoussaient chaque année sans qu’on y touche. Puisque les buissons broutaient toujours au même endroit, nous avons décidé de ne plus leur courir après. Pour la viande, nous avons appris à la conserver sur la durée, comme le faisaient encore les premières nations (les « Indiens ») à l’arrivée des européens sur leur continent. Le travail étant pénible, nous demandions souvent de l’aide à nos voisins, et puis… labourer une ligne ou deux, une fois lancé ça se faisait bien ! Donc les familles se regroupaient autour des champs et forcément à terme ils s’habillaient des mêmes peaux puisqu’ils chassaient aux mêmes endroits, avaient les mêmes bijoux, faisaient naître des expressions qui découlaient de leurs expériences propres. Ainsi naquirent les villages, qui plus tard formèrent les civilisations.
C’est elle, la civilisation, qui a décapité le bushcraft ancestral. Plus besoin d’aller se perdre dans la nature donc l’art de l’abri sommaire mais solide se transforma en métier de charpentier. Les pisteurs étaient moins utiles qu’avant puisqu’on savait que chaque année les troupeaux viendraient dans telle vallée, il suffisait d’attendre. De toute façon, on a rapidement appris à domestiquer les ruminants pour avoir un frigo sur pattes, qu’on tuait au besoin. On a donc pu se tourner vers de nouvelles activités, le spiritisme, la musique, les arts militaires, la politique…
Désormais, pour avoir besoin des techniques naturelles ancestrales, il faudrait sortir de la civilisation qui les rendaient obsolètes, inutiles, voir grotesques (encore aujourd’hui). Ce fut chose aisée tant qu’il restait de grands espaces à découvrir, comme la conquête du continent nord-américain, qui fut réellement l’âge d’or du bushcraft et de la trappe (notions un peu jumelles). C’est toujours très naturellement possible dans les pays qui ont su ralentir leur expansion urbaine ou qui possèdent une démographie faible comparée à leur superficie globale (Les pays Scandinaves). On fera bien attention à distinguer les techniques modernes, héritières de toutes ces transformations offertes par le progrès, et les techniques anciennes de peuples qui tentent de préserver leur culture ancestrale.
Ainsi, lorsque Ray Mears, bushcrafteur anglais de notoriété mondiale, nous montre comment faire un panier, c’est une technique paysanne anglaise héritée du siècle dernier, certainement perfectionnée depuis le moyen-âge, mais c’est résolument moderne. Alors que quand il part en Australie s’enquérir de l’art pictural aborigène on remonte 2000 ans d’histoire culturelle. Il n’y a aucune compétition entre les deux, il fallait juste clarifier ce point. A mon sens, les deux sont à étudier, l’un pour voir comment la technologie peut simplifier notre quotidien dans une certaine mesure (selon son envie de rester traditionnel ou non) ; l’autre pour voir comment on faisait avant, pour toujours avoir en tête un référent de simplicité et d’authenticité.
Pour répondre à la question des origines du bushcraft, la préhistoire est donc notre plus bel ancêtre et notre meilleur défenseur. La question de l’histoire du bushcraft par contre, est la suite logique de son épopée mais nécessiterait des centaines de pages, un jour qui sait. Intéressons-nous donc plutôt à définir et à remplir la notion de bushcraft.
Définition du bushcraft
C’est en allant sur Wikipédia pour voir un peu, que je remarque que même là le sujet n’est pas parfaitement bien défini. Il y a d’emblée une confusion puisqu’on dit que le bushcraft peut aussi se définir par le mot woodcraft, qui est l’art de travailler ou sculpter le bois. C’est l’une des nombreuses sous-disciplines du bushcraft, mais pas son ensemble. J’ai laissé un message au site, nous verrons s’il est pris en compte.
Sans parler du fait que chacun ayant sa vision de la chose, chacun en a sa propre définition. S’en suit de pesants débats de « ça c’est bushcraft, ça c’est pas bushcraft ». Quand je repense amoureusement aux féroces pionniers américains qui, à dos de mules traversaient les rocheuses au 19ᵉ siècle, je me dis qu’ils nous mettraient un bon bourre-pif à tous en nous disant de pousser au lieu de causer.
C’est à cela que je pense chaque fois qu’on me demande de définir le bushcraft. Aussi, j’ai pris pour habitude de rester général pour qu’on arrête de me courir après. Pour moi le bushcraft est l’ensemble des techniques et savoirs rendant possible la vie humaine dans la nature. On a tout dit avec peu de mots, tous compréhensibles. En français on dit également l’art des bois, se concentrant sur le fait que »craft » puisse se traduire par »art » alors qu’en réalité il désigne un véritable lot de compétences. La confusion vient du fait qu’on se réfère au woodcraft et on le traduit par l’art des bois, alors que le woodcraft serait plutôt l’art DU bois, de travailler LE bois et non « dans les bois ». Mais j’aime assez l’idée véhiculée par l’art des bois au final, cela se rapproche bien de la pratique concrète du bushcraft.
Toutefois en parlant d’art… quand on pense à un artisan, on ne pense pas immédiatement à un artiste qui peint avec amour les couleurs du soleil couchant. On pense à un homme (ou une dame) qui bosse dur, les mains caleuses, souvent sales parce qu’il n’a pas de temps à perdre à se faire propre, qui se lève tôt, bosse dur, se couche tard et recommence le lendemain. Si c’est cela que le mot « ART » désigne, alors oui vous pouvez dire que le bushcraft c’est l’art des bois, mais j’aurais préféré qu’on dise l’artisanat des bois pour coller à la définition drue de l’artisanat. Cela n’empêche pas de pratiquer le bushcraft en pensant à son côté artiste, justement valorisé par la kyrielle de créativité requise dans la discipline (cuir, bois, fer…). Il faut dire que l’art des bois sonne bien mieux que « Rude vie dans les bois en bricolant des trucs » et beaucoup plus accrocheur pour le grand public.
Si vous n’avez toujours pas saisi comment définir le bushcraft, pour le simplifier ainsi (et perdre 50% des pratiquants ha ha) : c’est un mélange entre la vie d’un pionnier américain et d’un trappeur canadien du 19ᵉ. On tire notre subsistance de la terre et des rivières, de la mer si proximité. On comprend donc bien que le plus grand challenge du bushcraft actuel est cette fameuse civilisation, qui a condamné sa pratique en tant que mode de vie dans son sein.
Le dernier endroit au monde où les gens peuvent encore vivre le bushcraft (hors jungle asiatique ou amazonienne) en tant que mode de vie est l’Alaska, où il reste des descendants de trappeurs qui vivent dans des lieux tellement reculés qu’ils ont fini par devenir des réserves naturelles. Ils y ont des droits héréditaires d’exploitations de leurs lignes de trappe, depuis des générations. Toutefois, dans les années 70 ces droits sont devenus incessibles à leurs enfants (qui ne semblaient pas chaud-chaud pour reprendre l’affaire familiale de toute façon). Donc les plus jeunes ont 50 ans et d’ici 20 ou 30 ans, iront mourir dans des maisons de retraite loin des terres sur lesquelles ils auraient aimé vivre à jamais. La civilisation se sera débarrassée des derniers vrais sauvages bushcrafteurs. Oh bien sûr certains me parleront de certaines tribus reculées qui vivent en autarcie. Il en existe sûrement quelques-unes dans le monde, mais dans des endroits tout petits et menacés de tout bord je suppose, par là sur-exploitation humaine. Puissent-ils y vivre à jamais. Ou encore bien sûr, au Canada par exemple ou sur le mainland américain on peut vivre de la chasse, trapper, pêcher… Mais on a généralement dans sa maison un générateur électrique ou carrément le courant, une télévision ou une radio, des filtres à eau modernes, une voiture… On a tous vu ces émissions sur les maisons »off grid », avec des gens en quad qui ont des fusils d’assaut pour tuer les ours, pour situer un peu. Je ne dis pas que cela est bien ou mal. On sort simplement de la vision classique du bushcraft, que je qualifierais sans avoir inventé l’eau chaude, de bushcraft traditionnel.
Le bushcraft moderne
Ainsi que l’indique l’image, on comprend qu’une évolution a été opérée entre depuis la vision romantique du bushcraft, celle des grands aventuriers américains ou canadiens, les Croc Blanc et autres Nessmuk qui nous ont fait rêver de grands espaces, de forêts sauvages, de peaux de castors et d’ours.
Désormais le bushcraft se pratique majoritairement en tant qu’activité, comme un hobby. Peu importe la durée, on « part » pratiquer le bushcraft et on « en revient » à un moment donné, on reprend sa vie d’humain civilisé. Là réside tout l’engouement que l’on constate autour du bushcraft, le temps d’un week-end, d’une semaine, on peut redevenir primitif, on peut ranger la bienséance et traquer sa nourriture, ou la traquer dans un sachet lyophilisé, franchement qui vous jugera ? Vous êtes seuls dans un petit coin de nature qui n’appartient qu’à vous le temps d’un souffle. Quand était-ce, la dernière fois que vous avez sursauté dans votre sommeil car vous aviez l’impression que « quelque chose » vous regardait dormir ? Peut-être jamais ? Ce sentiment d’être vivant et au cœur de quelque chose d’immense… Avez-vous compris maintenant ce qui motive chaque bushcrafteur ? C’est comme reprendre sa place au sein de l’ordre naturel, se rappeler qu’à la base on n’était pas forcément toujours tout en haut de la chaîne alimentaire. L’Appel de la Forêt de Jack London, la nature sauvage, boire l’eau d’une rivière (#filtrée #purifiée), trouver des racines et les ramollir dans l’eau avant de les mâchouiller pour calmer sa faim jusqu’à midi ? Allumer un feu de ses propres mains, la fierté d’y être parvenu, de savoir que quoi qu’il se produira, vous serez capable de survivre dans la nature. Diversifier ses pratiques, se détacher de l’approche matérielle pour aller à l’essentiel, mon sac, ma scie ou ma hachette, ma couverture et le monde sauvage qui s’offre à moi… Le rêve ?!
Bon et bien, je vais devoir recadrer un peu votre imaginaire, mettre du vrai dans votre rêve. Hormis les grands pays cités ou les pays scandinaves où la nature n’a jamais cessé d’être un refuge contre l’urbanisme galopant, trouver un beau coin de nature ou s’embushiser est devenu complexe. Que ce soit la législation ou le gars qui veut tout simplement pas vous voir là, les amendes, les gendarmes, les autres humains qui ne comprennent pas votre démarche et vous traitent d’original si ce n’est pire… Le pire étant -je pense- la généralisation. L’humain dans la nature peut être un sale type on le sait bien, donc tous les humains dans la nature seraient des sales types. Que voulez-vous opposer à un tel argument ? Parce que quelques-uns ont pollué ou brûlé un endroit, désormais plus personne ne peut y dormir ?
Je parle souvent de cette problématique dans mes articles, qui est le cœur du bushcraft moderne à mon humble avis. Que ce soit parce que certains ont abîmé et que l’on interdise la pratique à tel endroit, ou que ce soit parce que nos dirigeants ne savent plus ce qu’est la nature et ce que l’on peut y faire et qui y interdisent tout au nom du principe de précaution… La nature devient de moins en moins accessible. En réalité c’est un faux problème, nous sommes surtout devenus bien trop nombreux par rapport aux capacités de production de la nature, elle n’arrive plus à suivre.
Mais je trouve qu’il faut permettre à ceux qui ont besoin de se retrouver dans la nature, de pouvoir le faire. Le bushcraft moderne répond à ce besoin. Que l’on parte en randonnée, en trek (plusieurs jours) ou juste pour bivouaquer une nuit, on touche du bout du doigt au domaine du bushcraft. Malheureusement pour la France, le manque d’espaces naturels appauvrit grandement la pratique et beaucoup de forums et de groupes sociaux montrent des gens qui vont dormir une nuit, souvent en forêt publique (interdit) et repartent au petit matin, un peu honteux d’avoir fait leur feu, un peu paniqué de se prendre une amende. Du coup, le besoin de se ressourcer et de renouer avec la nature, devient une angoisse d’être pris et vu comme un criminel. Pour une chose qui, voilà deux cents ans était parfaitement normale. La civilisation, vous disais-je.
Toutefois, il faut garder espoir, le bushcraft moderne ne mourra jamais. Il est la quintessence de l’héritage de l’ensemble des techniques ancestrales et plus récentes, de vie dans la nature. Grâce à internet on peut désormais échanger avec des gens à l’autre bout du monde, on peut rassembler le savoir et le préserver dans des livres, des vidéos, des voyages.
C’est un peu ce qu’a tenté de faire Ray Mears grâce au soutien de la télévision anglaise, en visitant les dernières vraies tribus du monde pour apprendre d’elles et en faire une émission. Un des moments qui m’a le plus marqué, c’est quand il amène un long bow (arc traditionnel anglais) à un chef de village dans un pays africain et lui offre. Pour la petite histoire, Ray était venu tourner avec lui 10 ans auparavant et avait été convié à une chasse avec leurs arcs traditionnels et en tant qu’archer, cela l’avait marqué. Il offre l’arc au chasseur et le gars au bout de quelques tirs, part à la chasse avec comme s’il l’avait toujours eu, normal. C’était magnifique, la parfaite combinaison du neuf et de l’ancien.
On est dans le concret, on est dans le partage de techniques autour d’une même passion : vivre dans la nature, se nourrir, se chauffer. Autre moment marquant, quitte à digresser, quand Ray Mears en Amazonie demande aux guides de la tribu de lui montrer comment ils faisaient du feu depuis la nuit des temps. Les types lui sortent un briquet et avaient un peu honte d’expliquer que hormis quelques vieux, personne ne se souvenait vraiment du geste. Ray enfile son costume de super-Ray et leur montre ce qu’il a pu observer dans d’autres tribus du continent. Après avoir intensément bossé toute la nuit, au petit matin ils sont parvenus à réitérer le geste et pas uns n’est resté sur la touche, fierté retrouvée. Ceux-là n’étaient pas près de laisser à nouveau filer le savoir ancestral, ils avaient compris ce qu’ils avaient failli perdre.
C’est pour cela que je sais, que le bushcraft ne s’arrêtera jamais. Mais pour cela il faut qu’il se propage, comme une bonne nouvelle, car il est porteur de saines pratiques environnementales (forestières par exemple) qui aideront à coup sûr à préserver notre nature au lieu de la ravager par ignorance ou bêtise. C’est notamment grâce au bushcraft que j’ai pu bâtir une cabane sur le terrain de la Skol Louarn, en dressant mon propre plan de sylviculture. Prévoir où je prendrais quel arbre, les étudier en amont pour savoir lesquels prélever pour au contraire aider chaque micro-zone à se propager abondamment. Là où j’ai coupé des arbres, les châtaigniers surtout, il y a désormais des dizaines de rejets fougueux prêts à prendre la relève. Cela nous amène à parler de la passionnante complexité du bushcraft, qui se décline en une vingtaine de disciplines. Mais avant cela, dressons rapidement une liste de vos besoins physiques, qui amènera naturellement à une liste de matériels pour les combler.
Quels besoins et quelles connaissances ?
Ohé vous, oui vous là, qui voulez débuter dans le bushcraft, c’est le moment de prendre des notes si vous êtes vraiment de sérieux futurs bushcrafteurs en herbe. Vous l’avez compris, le bushcraft n’est pas un sport, c’est un concept. Dire que c’est une discipline permet de mieux le faire comprendre c’est vrai. Mais du coup tout ce qu’il regroupe devient une sous-discipline pour nous, alors que pour les gens de ces métiers là, c’est leur discipline phare. Encore une chose difficile à faire comprendre, mais ne perdons pas espoir car un jour cela finira par rentrer !
Si on part de nos besoins humains, selon notre amie la pyramide de Maslow (Survivre 3 jours en forêt) on retient qu’il nous faut : boire, manger, s’abriter, se vêtir, se soigner, dormir, s’occuper. Votre matériel doit donc permettre de répondre à ses besoins, votre savoir aussi.
Et puis manger !
Pour la partie manger, il faut s’intéresser aux plantes comestibles, et de façon sérieuse. Rien ne sert d’apprendre bêtement 55 plantes, si au final vous les mélangez. On peut se former par exemple sur un stage de bushcraft, mais il y a mieux : une herboriste ou une botaniste, le top serait une sorcière des campagnes si vous en trouvez une bien. C’est comme ça que j’ai commencé, avec une dame dont c’est le métier et qui faisait des formations à la journée. Elle nous a montré 10 plantes, je m’en suis souvenu réellement de 4, de nom de 7 et les 3 autres n’étant pas à mon goût, mon cerveau les a zappé. Quand je dis montré, elle nous a montré physiquement où elles poussaient, comment les trouver, les reconnaître, les goûter, les préparer à manger et ont les a mangé. Ce n’est pas juste « voilà ici il y a rouge, ici il y a bleu, ici c’est du vert, bonne journée ! ». Il faut un minimum de pédagogie et surtout ne commencer que par des plantes FACILES à reconnaître et qui n’ont pas de faux amis. Bannissez toute plante ayant un risque de confusion, c’est comme cela qu’on met en danger sa santé. Dans 3-4 ans quand vous aurez du poil aux pattes dans le bushcraft, vous pourrez vous permettre d’apprendre les champignons et les plantes de façon plus poussée.
Ne négligez pas les plantes qui soignent également, cela peut vraiment vous aider à entrer dans le bushcraft. Apprendre à se fabriquer son baume au plantain par exemple, vous forcera à trouver un apiculteur, à découvrir les types d’huile, à goûter le plantain. Vous forgez ainsi un réseau de professeurs gratuits et passionnés et qui auront sûrement besoin d’un coup de main de temps en temps, vous apprenant encore plus de choses (et le miel cadeau… toujours bon à prendre hé hé).
Il faudra vous intéresser, si cela est à votre convenance, à la chasse, au piégeage, au pistage. Ce n’est pas parce qu’on est végétarien par exemple qu’on ne doit pas savoir poser un piège. Certains piégeurs ont pour fonction de non pas réguler les espèces mais de les relocaliser. Un lynx qui nicherait à 2km d’un village dans le Jura par exemple, devra être capturé et déplacé dans les montages. Savoir le piéger peut lui sauver la vie ! Même si, mettons de côté la langue de bois, on piège / chasse essentiellement pour manger. Cela ne fait pas de vous un braconnier que de vous y intéresser. Pourquoi ? Encore une fois, c’est une question d’opportunisme. Apprendre à piéger, c’est apprendre où vit l’animal, de quelle manière, que mange-t-il, quand sort-il, quand drague-t-il ? Les piégeurs sont bien souvent les plus doux nounours que vous verrez de vos vies, aimant les animaux et les comprenant comme personne. Je ne dis pas qu’ils sont tous des bisounours, certains piègent parce qu’ils sont envahis par des espèces et sont bien contents de les tuer, c’est ainsi je ne juge pas.
Pour terminer la partie « manger », elle ne serait pas complète sans s’intéresser aux arbres, qui sont également très nourriciers à condition de les connaître et d’en prendre soin. C’est pour cela que je sourie lorsqu’on me dit qu’il ne faut pas couper des arbres, etc… Un châtaignier malade, trop vieux, qui ne donne plus trop de châtaignes, empêche son espèce de prospérer. Voyez les arbres comme un peuple et non comme un individu seul. Les arbres sont l’espèce la plus communiste du règne végétal. Ils vivent pour l’espèce et non pour eux. Leur principale fonction est de produire des fruits qui donneront des graines, qui donneront des arbres. Je ne dis pas que les arbres ne veulent pas vivre bien sûr, mais je dis qu’ils jouent en équipe et non solo. Coupez un vieux châtaignier radin, vous laisserez à place à une vingtaine d’autres arbres qui sous trente ans vous pondront tellement de châtaignes que vous n’irez plus toutes les ramasser. La sylviculture c’est tout un métier et comme souvent, un bûcheron aime les arbres intimement comme personne d’autre, il les coupe pour une bonne raison et non par bon plaisir. Cela s’apprend quand on progresse dans le bushcraft, ne vous inquiétez pas, il suffit de… de… ? Créer son réseau de professeurs gratuits et passionnés, souvenez-vous. Je n’ai encore jamais vu un groupe de bûcherons refuser des bières fraîches en fin de journée, contre quelques réponses.
Concernant la partie « boire », ce qu’il faut savoir est qu’il vous faut idéalement deux récipients. Toujours un vide et un qui sera bientôt vide, pour faire un roulement. Le top étant d’avoir les deux plein, mais du coup il faut les porter plein ! C’est un choix personnel. J’aime avoir une gourde inox Kleen Kanteen (j’ai constaté avec plaisir que Mike Horn utilisait la même, ça doit être bon signe !) et une gourde pliante que je ne remplis que le soir en me posant (en bushcraft itinérant). J’ai rapidement viré mon camel-back (poche à eau), galère à remplir car il faut la sortir du sac, vraiment bien nettoyer les embouts, ça prend le goût du plastique… Ce n’était pas pour moi.
Le plus important, au-delà de l’aspect pratique, est l’aspect sécuritaire. Vous devez transporter avec vous la capacité de rendre l’eau potable (matériellement ou intellectuellement). Pour éviter de bidouiller un système avec une bouteille en plastique et de la mousse d’arbre toutes les deux heures, optez pour un filtre à eau mécanique (en France Lifestraw ou Katadyn par exemple) ou des pastilles de purification chimiques (type micropur). Renseignez-vous sur les marques, les modèles, les méthodes, ça se fait bien avec le bon savoir et le bon matériel. Pour la petite anecdote, sur un stage cet été j’ai fait boire de l’eau de rivière à un technicien de chez Véolia, c’était épique (il est passé de sceptique à grand buveur d’eau de rivière en 2 heures).
Se vêtir correctement
La pratique du bushcraft au niveau vestimentaire ne diffère pas énormément d’autres pratiques nature classiques. Quand vous prendrez de la bouteille vous voudrez sûrement des pantalons ripstop, cirés, à coutures renforcées, à genouillères intégrées etc… Commencez par sortir avec un pantalon, ça sera déjà bien, le reste vous verrez plus tard pour avoir un super look d’instagrameur (bien que dans le bushcraft avoir l’air cool… einh !). Par contre, il faut des vêtements qui tiennent le choc et qui soient cohérents. Je m’explique.
Vous irez explorer les bosquets, les buissons, les ronciers, les branches basses, pour observer ou ramasser des ressources. Un beau pantalon technique super cher de randonnée, léger, aéré, à multi-zip, si vous le déchirez en dix minutes… ou un coup de scie qui rebondit dans un pli de la jambe, j’ai souvent baptisé mes premiers pantalons ainsi en forêt. Donc optez pour des choses vieilles mais solides.
Pour la cohérence, je veux dire que s’il faut pouvoir bouger, s’agenouiller pour un feu, ou un champignon, aller facilement aux toilettes en équilibre sur deux pierres, il faut un pantalon qui aille bien. Beaucoup sortent avec des jeans, je ne suis pas fan et je n’en mets jamais. Par contre un pantalon type chasse, renforcé à l’entrejambe, fait pour marcher et bouger, pour 30€ c’est le top. J’aime bien les pantalons de rando légers aussi, mais j’assume de les trouer quand ça arrive, car je suis très à l’aise dedans, ayant une bonne carrure (un beau bébé barbu). Le choix est vôtre les amis !
Pour le corps, je ne saurais vous conseiller d’apprendre les principes de condensation, de conduction, de convection et de sudation. Pour gagner du temps, achetez des T-shirts et sous-vêtements soit en laine de mérinos, soit en polaire respirante. Le saviez-vous, la laine de par ses qualités, est l’un des seuls matériaux au monde qui maintient au chaud même mouillé, au top non ? Le coton est à proscrire (il mouille vite, il s’alourdit, il brûle la peau en chauffant). Encore une fois, demandez à vos parents ou amis, ils ont sûrement un vieux machin de l’époque où ils allaient au ski mais depuis qu’il y a les enfants etc… hop gratuit.
Pour ce qui est de l’hygiène des pieds (chaussettes, chaussures) je vous renvoie à mon article sur le sujet : Hygiène en rando.
Pour la tête, un chapeau ou une casquette, un bonnet, un tour de cou… prévoyez toujours un petit quelque chose, vous apprendrez rapidement pourquoi.
Pour la protection corporelle face aux éléments, un bon pull en laine ou en polaire, idéalement s’il peut avoir un zip pour pouvoir réguler votre balance thermique rapidement sans se dévêtir ou poser le sac à chaque fois, c’est le rêve en bushcraft itinérant. Par contre, partez toujours avec un poncho, vous débutez le bushcraft peut-être mais votre intelligence est sûrement au top depuis votre adolescence, donc vous comprendrez qu’être pris « cul-nu » par une averse et finir tremper dans un climat tempéré, n’est pas un bon plan pour avoir du fun. De plus, si vous optez pour un poncho ripstop (résistance à la déchirure) avec œillets, il pourra vous servir de mini-tarp à un moment donné (ou pour faire la niche du chien, blague à part).
S’abriter des éléments et dormir
Il existe trois niveaux de protections à fournir dans la nature : sur le corps, autour du corps, autour des affaires. Le premier se règle avec de bons vêtements, le deuxième se règle avec un bon duvet pour la nuit (froid), le dernier se règle avec un abri hermétique au vent et à la pluie. On vient de voir le premier, donc place à notre environnement proche (autour du corps) ou moins proche (autour des affaires).
Concernant la partie autour du corps, on vise clairement le couchage. Il se fera à votre convenance avec un duvet spécialisé (synthétique : lourd, gros, pas cher, résiste humidité ; plume : léger, petit, cher, n’aime pas l’humidité) ou une bonne vieille couverture en laine. On en trouve à Emmaüs pour 4€. Mais n’hésitez pas à donner 10€, en comparaison d’un duvet à 100€ c’est cadeau non ? En hiver, rien de tel que de dormir près d’un feu, une perche le long de la couche pour éviter les projections, avec sa couverture en laine chaude posée sur nous. Elle a pris un petit trou dans la nuit ? Et bien… 4€ mes amis, même 10€… elle en verra d’autres des trous. Dites-vous qu’une couverture sans trous, c’est un bushcrafteur sans Histoire. Je sais que niveau esthétique et mental, beaucoup de camarades bushcrafteurs aiment leur couverture en laine, roulée sous le sac à la cow-boy, cela renforce le côté pratique ou le côté évasion / imaginaire de leurs sessions bushcraft.
J’en prenais régulièrement à l’époque où je dormais encore au sol (quand j’étais jeune ha ha), je dormais systématiquement avec le feu. C’était rassurant, c’était plaisant, c’était grisant.
Puis je suis parti du côté obscur du bushcraft, je dors désormais en hamac et la couverture plus l’underblanket (ou le quilt) plus la couverture en laine, plus la tarp, plus mon petit coussin microbille ça commence à faire lourd. Alors qu’un bon duvet en plume, qui me sert toute à l’année, 850 gr, au fond du sac, ne m’a jamais trahi. C’est là où on peut voir apparaître les premières divisions entre bushcrafteurs traditionnels et modernes, et c’est génial car la diversité amène de la richesse.
Concernant l’abri autour de vos affaires, amis débutant dans le bushcraft, il faudra voir selon votre budget. À CastoBrico vous trouverez une bâche de chantier type camouflage militaire à 5-8 €, qui en allant doucement sur la tension aux angles (œillets) vous durera une dizaine de bivouacs avant de montrer des signes de faiblesse. Si vous bivouaquez une fois par mois, cela vous fera presque un an pour comprendre le monde des tarps, des tentes et voir quel budget vous pourriez y consacrer.
Enfin, ne négligez pas la tente pour débuter, il n’y a aucune pression si ce n’est celle des posts instagram des influenceurs qui se mettent dans de jolies situations pour faire rêver. Vu les montages de tarp de certains, ce n’est pas sûr qu’ils y dorment pour de vrai. La tente est un moyen sûr de garder toutes ses affaires à l’abri quand on est mal organisé (débutant), quand on a des enfants ou un-e conjoint-e pas rassuré-e. Le seul problème que j’y vois, c’est qu’avec la tente vous n’êtes plus « dehors en pleine nature », vous êtes « dedans ». La communion, à mon sens, me semble amoindrie.
Maintenant que je ne dors que sous tarp, je n’arrive plus à m’imaginer comment je faisais au début quand j’entendais un bruit « dehors », sans pouvoir aussitôt braquer ma lampe dessus. Désormais en dormant dehors, je suis à l’écoute de chaque bruit, je reconnais le bruit d’une souris, je sais qu’elle est au sud-est, je sais qu’elle va aller près du feu prendre des miettes… je suis mentalement l’animal et son évolution, j’imagine quelle branche il saute pour déambuler. Cette satisfaction de connaître parfaitement mon campement car j’ai fait attention à tout ce qui s’y trouvait, d’avoir la chance de m’endormir en étant englobé du monde qui m’entoure et non coupé de lui, m’apporte une telle bouffée de bonheur et de réconfort. Désormais je m’endors avec le plus profond je-m’en-foutisme de la souris qui me tourne autour. Le niveau suivant sera de faire pareil avec les ours, ha ha !
Se soigner, soyez au petits soins
Blague à part, ne négligez pas cette partie. Une bête coupure peut vite devenir embêtante si on a pas de pansement, on passe son temps à taper dedans, on s’en met partout, on fait rentrer des petites saletés dedans, on ne désinfecte pas, ça gonfle, ça tire, ça fait mal… Bref, pensez-y !
Il existe pas mal de sites pour trouver une liste complète, je prépare un article dessus avec la communauté SURB de facebook, soyez sur la brèche. En résumé, il faut de quoi masquer une plaie, donc pansements et gazes et de quoi la désinfecter (marqué « ne pique pas » si vous comptez l’utiliser un jour sur un enfant). Il ne m’est rarement arrivé autre chose qu’une coupure mineure, mais j’ai une bonne étoile, et puis je suis breton c’est un argument en soi. Il n’est toutefois pas idiot d’emmener une crème pour les torsions musculaires ou les bleus, quelques comprimés pour la douleur, la diarrhée ou la constipation, du sucre en sachet pour les coups de mou. Je pense à mon ancien collègue/assistant qui ne jurait que par le »tape » (scotch épais) et s’en mettait un peu partout. C’est un peu bourrin certes, mais entre l’attelle, le pansement seconde peau, une poignée… ça fait tout cette petite bête.
Si vous débutez je ne vois pas pourquoi vous accabler davantage avec du matériel de professionnel. Mais à termes, vous regarderez peut-être ce qu’est un pansement compressif (type israélien), un garrot, pourquoi pas du matériel plus médical (sutures…). Je n’en ai jamais utilisé en quinze ans mais, cela ne veut pas dire que je n’en ai pas, si vous suivez ma pensée.
J’insiste juste sur un point vital, si vous avez un traitement d’urgence ou à vie, vous en aurez en quantité suffisante dans votre kit de santé, l’inverse est tout bonnement inenvisageable. Je pense aux allergiques (traitement, epipen), je pense aux asthmatiques, je pense aux malades du cœur et autres.
S’occuper en pratiquant les sous-disciplines du bushcraft :
On entre là dans le cœur de l’artisanat des bois dont je parlais au début de l’article. La finalité n’est pas de s’occuper pour passer le temps si on regarde bien, c’est de combler nos besoins. Malheureusement, nous vivons désormais dans une société où cela est déjà géré par plein d’autre choses. Il va donc falloir se poser la question d’un auto-dépouillement volontaire à un moment donné, ou bien rester avec votre matériel tout beau tout propre, mais du coup il faudra trouver à s’occuper (en bushcraft = apprendre sur tout et son contraire).
Vous pouvez commencer facilement par le travail du cuir, en trouvant dans vos affaires un vieux portefeuille ou un cartable d’enfant à sacrifier sur l’autel de l’apprentissage du bushcraft. Voulez-vous une pochette ? Une sacoche de hanche ? Un étui à couteau ? Ne vous inquiétez pas si au début c’est un peu… de travers ! Comme disait Michel Froissart (génie parmi les scouts mais un peu méconnu dans le bushcraft), ne jetez pas votre première réalisation, gardez la, chérissez la et lorsque le temps aura passé, comparez la à ce que vous êtes désormais capable de faire. Voyez comme vous avez grandi !
Ensuite pourquoi ne pas s’intéresser au travail du bois, qui requière un savoir-faire au couteau, donc si vous attendez six mois à tailler des piquets et à écorcer des branches, ce n’est pas plus mal. Même les bons se coupent parfois, donc imaginez les débutants. Petite dédicace pour deux animateurs nature que j’ai eu en sortie « les arbres et le woordcraft » cet été, qui se sont tous les deux coupés au même endroit, dès la première heure de travail au couteau. Parfois on croit qu’on sait, mais en fait c’est dangereux de croire qu’on sait, je pense (moi le premier).
Toutefois, je vous assure qu’après vous être coupés à un endroit, vous ferez vachement attention à cet endroit ensuite. Le problème ? Nos doigts sont remplis d’endroits, ce n’est pas une bonne méthodologie. C’est le domaine du woodcraft, le travail du bois. On peut débuter par un piquet, un bâton de marche, une tête d’animal… on peut également sculpter sa petite cuillère par exemple, j’ai remarqué que c’était une étape dans la vie de mes stagiaires. Quand vous avez taillé et mangé avec votre propre cuillère, qui était la veille encore un bout de bois, vous êtes bien dans votre tête. Un sentiment de satisfaction qui vous renvoie à votre part primitive, peut-être. On peut aussi se faire un arc, c’est délicat et demande une bonne théorie avant de s’y mettre (ou alors attendez-vous à casser quatre ou cinq prototypes avant de comprendre). Une école anglaise de bushcraft se spécialise dans la réalisation d’arc, c’est superbe à voir.
Si on parle d’artisanat visant à combler des besoins du quotidien, la forge vous attirera également. Si vous avez un jardin ou un atelier, vous saurez sûrement trouver le chemin sans moi. Des briques réfractaires, un brûleur de chalumeau, une vieille lime… et des dizaines d’heures sur les forums, les vidéos, les livres car vous seriez surpris de savoir qu’un couteau ne se fait pas en une heure. Il faut chauffer, taper, redresser, former, re-chauffer, tremper, retravailler, re-chauffer… puis il faut faire l’émouture, polir, affûter, repolir (il y a des passionnés du polish!). C’est un monde fascinant et j’ai rarement vu un forgeron avare de conseils ou de détails sur ses faits et gestes. Juste, soyez au courant que c’est salissant et parfois le minerais brûlé pue un peu, c’est ça la vie d’artisans ! Ne faites pas comme certains citadins qui se plaignent des coqs, là pas sûr que le forgeron vous réponde !
Continuons les artisanats complémentaires que l’on retrouve dans le bushcraft en parlant de la vannerie. C’est l’art de former des paniers avec des fibres végétales. Il existe plein de matières potentielles, une théorie à connaître bien sûr et de nombreuses heures à penser « dessus… dessous…. », à se dire que notre osier est trop épais et qu’on aurait dû prendre les pointes seulement, à se demander si on aurait pas dû tremper les fibres une semaine de plus, à regarder comment les anciens maniaient la chose avec infiniment plus de maîtrise que nous… Allez, je vous aide à gagner du temps : trouvez un village de campagne où vous voyez des gens avec des paniers, demandez leur d’où ça vient, allez voir le gars et dites lui que vous avez deux mains pour balayer son atelier, lui faire à manger, lui couper sa pelouse… tant qu’il vous laisse regarder et poser des questions d’enfant de la ville.
Je finirais par le matelotage, car la liste est longue et je le crois sincèrement, infinie. C’est le monde des nœuds et des bout’s. Là où il ne faut pas dire ficelle ou corde, à la limite cordage… sinon c’est une taloche derrière la tête. Rien que savoir lover (ranger) son cordage correctement, permet de gagner du temps quand il faut le sortir et monter son campement. Les nœuds permettent d’assurer du matériel ou même son couchage (hamac), permet de suspendre de la nourriture, une gamelle… monter un trépied, brêler un banc ou se fabriquer une échelle, un pont… Un jour, cela vous permettra peut-être de sauver quelqu’un qui sait, ou de vous mettre à l’escalade avec un peu d’avance sur les autres élèves.
Et bien plus encore…
Quand je vous disais qu’il existait des livres là-dessus, je ne mentais pas. Tout résumer en un seul article serait une insulte à ces matières. À vous d’aller vous renseigner sur la cuisine au feu, l’ichnologie, l’orientation, le feu, les abris naturels, la randonnée, l’art du déplacement, les besoins en nutriments, les usages de chaque essence de bois (pour bâtir des choses), la vie animale, ne sous-estimez pas les insectes, ils domineront le monde un jour, c’est tout un univers et pour les enfants vous êtes sûr d’en voir (alors que Bambi…). Quiconque n’a pas passé une après-midi à observer la vie d’une fourmilière en été, n’a pas vécu.
Pour en apprendre plus, je vous envoie vers un berceau du bushcraft français, le site bushcraft.fr. Alors autant vous prévenir tout de suite, certains dessus sont de vieux ours très à cheval sur la politesse, les formes, les motivations, le choix des mots… mais la plupart sont ouverts et super sympas, envieux de partager leur savoir et d’apprendre de vous. Ils ont notamment créé deux choses qui sont vraiment utiles pour débuter dans le bushcraft, je m’en suis longtemps servi pour mon apprentissage personnel, afin de me donner des grilles de lecture mais surtout des marges de progression. Je vous rassure, même après 15 ans je ne maîtrise toujours pas certains points. Ce n’est pas à prendre au pied de la lettre car parfois les degrés de progression ne suivent pas une logique particulière (dormir une nuit en hiver n’est pas forcément plus dur qu’une nuit sans moustiquaire en été par exemple).
Outre cela, le site contient plus de savoir bushcraft qu’une vie ne suffirait pour apprendre, donc choisissez vos thèmes et surtout enrichissez le forum car il en vaut la peine.
Conclusion
Passer du temps avec un bushcrafteur est toujours intéressant. Il aime les arbres, il connaît leur nom et leurs usages, il aura une petite anecdote sur pas mal de sujets, il saura affûter votre opinel et vous montrer quelle plante mettre sur votre piqûre de bestiole. En fait, un bushcrafteur expérimenté c’est un peu comme avoir un guide indien : quand il s’y connaît vraiment c’est une mine d’informations sur la nature, ses habitants, ses habitudes, ses dangers, ses choses merveilleuses qui nous font courber la tête de respect devant elle. Je ne dis pas que le bushcrafteur pourrait servir de pisteur ou est un-e sur-homme / sur-femme, attention. Je dis juste que j’ai du respect pour eux car ils ont le mérite d’avoir pris leur savoir en main et d’avoir compris qu’on ne doit pas tourner le dos à la nature. On peut la regarder de loin, comme une mamie à qui on pense sans forcément lui rendre visite (bisous à mes mamies), mais on ne doit jamais l’oublier. Cela est rendu possible en pratiquant cette discipline !
Le bushcraft est un chemin qui vous mènera vers la redécouverte des beautés de la nature, vers une meilleure compréhension de sa puissance mais aussi de ses faiblesses, de ses limites. C’est en la connaissant mieux que nous finirons par comprendre, en France notamment, que l’on peut la pratiquer sans la détruire, qu’on peut aimer les arbres et devoir parfois en couper quelques uns.
Comprendre que lorsqu’il fait froid, faire un feu n’est pas un crime. Comprendre que réinsérer l’Homme dans la chaîne alimentaire par des pratiques de chasse saines et raisonnables, permettra de maintenir certains savoirs vivants. Comprendre que si on oublie les vieux métiers, on oublie une partie de qui nous sommes, de ce que nous sommes. Il faut garder la mémoire vivante avant que tout ne soit oublié (repensez aux indiens d’Amazonie qui, bien que vivants dans la nature, ne savaient plus faire du feu). Comprendre que si on ne parle jamais d’aller dans la nature et d’y pratiquer des choses, les politiques environnementales ne sont pas prêtes d’évoluer. Comprendre, tout simplement.
J’en profite pour glisser un petit message à votre attention. Avec le confinement, de nombreux moniteurs de bushcraft se sont retrouvés interdits d’accueillir du monde, donc sans salaire depuis des mois. Si jamais vous êtes intéressés par un encadrement professionnel (certains veulent apprendre tout seul dans leur coin, respect à eux bien sûr), n’hésitez pas à faire appel à nous, il y a du bushcraft partout et on ne le soupçonne pas.
Pour terminer, je lis souvent sur les réseaux sociaux, que le bushcraft, la survie, le survivalisme, c’est tout pareil. J’espère qu’après avoir lu cet article, vous avez compris l’unicité du bushcraft, où on ne voit pas la nature comme un ennemi hostile qui veut notre peau comme cela peut être le cas en situation de survie, mais plutôt comme un partenaire qu’il faut respecter et qu’on peut parfois craindre si on est mal préparé. Comme le ballon dans Olive et Tom ! Ceux de ma génération comprendront.
Il faut surtout retenir qu’une situation de survie est souvent inattendue, non-désirée et dangereuse. On manque de matériel, souvent on est perdus ou coupés du monde sans moyen de communiquer, il est normal de voir son environnement comme un danger de tous les instants. Je dirais, c’est même un bon coup de boost pour espérer survivre. Mais du coup, c’est tout l’inverse du bushcraft. C’est ce qui rend l’apprentissage de la survie tout aussi important car le jour où on sera vraiment perdu dans un lieu naturel et éloigné, dans le dénuement matériel, savoir faire un point de sellier sur une bourse en cuir ne vous sauvera pas. Donc diversifiez vos apprentissages, n’arrêtez jamais d’apprendre sur tous les sujets, ne jetez pas la pierre à ceux qui se cantonnent à leur discipline, si cela leur plaît après tout ? Repensez à nos amis pionniers américains à dos de mules, ce qu’ils vous diraient si vous le faisiez ?
À bientôt dans la verte !
2 commentaires
Merci pour cet article très intéressant et clair. Je suis très intéressé par tout cela et j’essaie d’apprendre des trucs à droite à gauche. Il va falloir que je me décide à faire quelques stages..
Bonne continuation
Bonjour,
N’hésitez pas à contacter Renan de la Skol Louarn pour les stages ou des infos supplémentaires 🙂