Tout commence en septembre 2016. Après 2 années de médecine et 2 années loin l’une de l’autre nous décidons, avec ma meilleure amie, de planifier enfin des vacances ensemble pour l’été qui arrive. Elle évoque vaguement l’idée d’un treck en Corse dont elle a entendu parler : le GR20. On a 20 ans, et l’aventure commence. En mars 2017, le printemps pointe le bout de son nez, il est temps de préparer ce voyage. On s’installe dans un café, un ordi devant nous, un guide acheté une heure avant dans une librairie au coin de la rue et la planification commence. Les premières questions à se poser :
Dans quel sens faire le GR20 ?
Dans un premier temps, nous nous renseignons sur la durée et l’intensité physique du tracer. Nous ne sommes pas des grandes habituées des randonnées et décidons alors de couper l’itinéraire en deux. D’après nos recherches la partie sud est moins technique et moins intense que la partie nord. Notre choix est donc vite fait, nous ferons le GR20 partie sud. Très bien, mais ça ne répond pas à notre question principale : dans quel sens effectuer la randonnée. Au fil de nos recherches, notre idée se précise, on l’effectuera dans le sens nord-sud. Non pas qu’il soit plus facile dans ce sens-là, mais ça nous donnera l’opportunité, à notre arrivée, de camper quelques jours à Porto Vecchio pour profiter de la mer et des apéros bien mérités.
Une fois l’itinéraire validé, les étapes étant précisées sur le guide, nous ne cherchons pas plus loin et décidons de les suivre à la lettre. S’ensuivent les réservations.
Comment organiser les réservations ?
Dans un premier temps, nous avons choisi les dates de départ en fonction de l’affluence et de nos examens à la fac. Nous sommes donc parties fin juin 2017, aux alentours du 20. Vous noterez que ça fait beaucoup de 20, coïncidence ? Bref. Les dates validées, nous réservons alors les refuges. Nous avons 20 ans et un budget très serré, c’est pourquoi le choix de la tente s’impose à nous très rapidement. D’après nos recherches, il faut donc réserver les emplacements tente autorisés devant les refuges pour s’assurer d’avoir de la place, mais surtout par question de légalité.
Astuce 1 : les refuges et particulièrement leurs chambres sont infestées par les puces de lit !
Deuxième étape de nos réservations, les transports. Nous sommes étudiantes et cherchons une fois encore les prix les plus avantageux mais surtout la facilité. Habitant dans les environs de Marseille, nous nous renseignons sur les ferrys. Après de longues heures à comparer les prix des différentes compagnies, nous trouvons enfin un trajet qui correspond à nos attentes. Le ferry est réservé, les refuges aussi … il n’y a plus qu’à.
Astuce 2 : les ferrys sont bien plus intéressants que les compagnies aériennes car les bagages n’engendrent aucun coût supplémentaire. Croyez-en mon expérience quand on part à deux pour une randonnée de 7 jours en tente, on est un peu chargé.
Comment se préparer ?
Nous sommes parties avec toute la confiance du monde, sans aucune réelle préparation physique. Pour ma part, habituée des randonnées de 4-5 jours dans les Alpes françaises. De l’autre côté, c’est une grande première. Bonne ou mauvaise idée ? Vous le saurez par la suite.
Les mois ont passé, nous nous retrouvons à quelques jours du départ. Dernière étape de l’organisation : réserver un covoiturage pour arriver sur Nice, port de départ de notre ferry.
Le grand départ pour le GR20
Le voyage
23 Juin 2017 : nous voilà dans le covoiturage direction Nice.
État d’esprit : surexcitées malgré le long voyage qui nous attend.
Arrivée à Nice, nous mangeons un morceau puis nous embarquons sur le ferry de nuit direction Ajaccio.
5 heures du matin, arrivée à Ajaccio après une nuit mouvementée et très peu, mais alors très peu reposante. Le sommeil a été difficile à trouver. Pas étonnant, nous avons passé la nuit allongées sur un tapis de sol dans un couloir quelconque du bateau avec une lumière aveuglante juste au-dessus de nos têtes. Point positif : nos matelas de sol sont confortables (du moins sur la moquette du ferry).
Astuce 3 : pour dormir, au moins quelques heures, installez-vous dans un couloir sombre au fin fond du bateau et pas un hall quelconque proche de l’escalier (beaucoup de passage et de mouvement même la nuit).
Nous débarquons enfin, les yeux encore collés. Il nous faut maintenant trouver la gare d’Ajaccio pour prendre le train direction Vizzavona, point de départ de notre épopée. Gare trouvée, billets en poche, nous nous asseyons dans le train et sombrons dans un demi sommeil, entrecoupé de coups d’œil par la fenêtre, de laquelle nous pouvons observer des paysages somptueux. Le train s’arrête, nous descendons sac sur le dos, excitation à son maximum. Nous y voilà enfin. Après des mois de préparation, nous y sommes, le point de départ. Le jour J.
Notre première journée était une acclimatation, nous avons monté le camp, mangé dans le restaurant à côté du refuge puis dodo à 17 h pour rattraper notre nuit sur le ferry et être prêtes pour le lever à 6 h le lendemain matin. Nous nous étions fixés une seule règle sur ce treck, ne pas partir après 7 h pour s’assurer un maximum de fraicheur pour nos journées de marche et se laisser le temps de faire des pauses quand bon nous semble. Arrivée prévue aux refuges aux alentours de 16 h – 16 h 30 pour s’assurer le temps de monter le camp, de se reposer et de profiter de la vue.
Jour 1 : Début du GR20
6 heures : le réveil sonne, nous replions le camp pour la première fois, sac ajusté et nous voilà parties à la recherche de cette fameuse marque rouge et blanche qui nous guidera pour les 7 prochains jours. Une chose est claire, le GR20 ne rigole pas, il vous met en jambe de suite. Première journée qui commence par deux heures de montée et un bon dénivelé positif. Attention les montées du GR20 ne sont pas les mêmes que celles des Alpes françaises, ça monte pour de vrai. La première montée a été pour moi la plus compliquée. Une mise en jambe avec 14 kg sur le dos, les trapèzes tendus commencent à piquer au bout d’une petite demi-heure. Heureusement, il ne fait pas encore trop chaud et nous montons en sous-bois avec un air étonnamment léger.
Astuce 4 : éviter les 14 kg sur le dos si vous le pouvez ! Les refuges proposent des tentes déjà montées avec matelas sur place, vous n’avez qu’à porter votre sac de couchage.
Une première partie de journée un peu difficile mais une fois lancées, le sourire aux lèvres nous progressons correctement. Une chose à savoir, sur le GR20, du moins sa partie sud, il y a beaucoup de source d’eau pour vous permettre de refaire le plein. Elles sont indiquées sur les guides et sont indispensables quand on marche dans la chaleur Corse.
Nous nous arrêtons pour un premier pique-nique, le premier d’une longue série ; avec sous les yeux un paysage somptueux, là aussi, le premier d’une longue série. L’émerveillement ne fait que commencer.
Niveau nourriture comment s’organiser ?
Une fois de plus notre budget restreint nous a poussé à prévoir les repas du soir pour la majorité de notre séjour. Nous sommes donc parties avec dans nos sacs de quoi manger pour 6 soirs, des repas composés à base de semoule, très simple à cuire, et de boites de maïs et de thon pour alterner et ne pas manger toujours pareil. Nous avons également le minimum requis en ustensiles, une fourchette-cuillère et une tasse qui passe sur un réchaud. Pour le petit déjeuner et le midi, nous achetions dans les refuges du pain et une conserve de pâté. Le pain nous servait en partie pour le matin et le reste pour nos tartines du midi. Nous avions également des barres de céréales et des fruits secs en cas de baisse énergétique dans la journée.
Première journée achevée, le sourire aux lèvres nous montons le camp et prenons notre première douche froide du séjour, revigorante. Premier repas composé de semoule et de thon. Étirements, débriefe de la journée, puis nous nous glissons dans nos sacs de couchage et nous endormons paisiblement en rêvant de fabuleux paysages au cœur de la montagne Corse.
Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas, les paysages sont plus somptueux les uns que les autres. Il nous arrive de faire quelques erreurs de tracer et de revenir sur nos pas pour retrouver notre chemin. Nous avançons et en prenons plein les yeux. Nos compagnons de route principaux sont les cochons sauvages et gros lézards. L’intensité physique que requiert le tracer du GR20 se fait vite ressentir mais nous surmontons les étapes avec un mental d’acier et un enthousiasme sans faille.
Une étape pas comme les autres …
Un jour pas comme les autres est l’étape menant au refuge d’Usciolu. Troisième matin, après deux jours d’effort intense, la fatigue musculaire commence à se faire sentir et l’étape qui nous attend est la plus longue du périple avec le dénivelé positif le plus important de la partie sud du GR20, une montée de 3-4 heures droit vers le sommet. Nous entamons cette étape comme les jours précédents, confiantes, le sourire ne nous quitte pas. En fin de matinée, la montée commence. Nous savons qu’elle est longue sur le papier mais ne nous rendons pas compte de sa réelle intensité. Nous commençons à monter et ne nous arrêtons pas.
Au bout d’une heure et demie, une pause est de rigueur. Nous reprenons des forces puis nous repartons. Nous avons l’impression d’être seules, nous ne croisons personne dans le sous-bois, ni dans la transissions entre deux pentes, ni même dans la seconde pente. Puis le silence se fait, les jambes tirent, nous n’en voyons pas la fin et le mental commence à lâcher d’un côté puis de l’autre. Nous avançons tant bien que mal, nous sommes deux ce qui permet de se soutenir.
Puis, arrive le moment du craquage et de la séparation. Après 3 heures trente de montée, plus un mot ne sort de nos bouches, j’ouvre la marche, j’entends le souffle derrière moi. Une pose s’impose de son côté, sauf que si je m’arrête, je ne repartirai plus. Nous décidons donc de respecter le rythme de chacune et c’est la séparation. Nous apercevons enfin le sommet, il est à une bonne demi-heure de marche, toujours en montée, je continue, elle s’arrête. Tête baissée, je mets un pied devant l’autre et arrive enfin au sommet, je me pose sur le premier rocher que je trouve et reprend des forces. Je la voie arriver quelque temps après moi, les larmes roulent sur ses joues. Le GR20 ne rigole pas, je vous avais prévenu.
Astuce 5 : penser à l’intensité physique de ce que vous entreprenez et préparer votre corps à ce challenge. Marcher sept heures par jour et sur le GR20 ce n’est pas anodin surtout sous le soleil Corse.
Après une pause bien méritée, nous arrivons enfin au point le plus haut, trouvons un endroit à l’abris du vent pour manger un morceau avant d’entamer les deux heures et demie de descente qu’il nous reste avant le refuge. Cette pause marque aussi notre plus belle rencontre de cette aventure. Nous avons rencontré un groupe de 7 papas que nous avons recroisés tout du long du GR20. Ils nous ont offert une bière à l’étape suivante pour se retrouver et échanger en toute simplicité.
Astuce 6 : restez ouverts aux autres et aux personnes que vous croisez sur votre chemin, il se pourrait que ce soit les plus belles rencontres d’une vie.
La descente a été longue, très longue. Vue plongeante sur le refuge qui semble pourtant ne jamais se rapprocher. Une fois arrivées, nous montons le camp. Épuisées par cette longue journée, nous avons besoin d’air. Pas un mot ne s’échange, l’une part méditer, l’autre faire des photos. Respire. Après ce temps avec nous-mêmes, nous achetons un repas de fête pour se récompenser, une boite de raviolis. Un pur bonheur.
Astuce 7 : apprenez à vous respecter, à respecter l’autre et à vous récompenser. Il n’y a rien de plus beau après une dure journée que de savoir se faire plaisir.
L’aventure continue
Les jours qui suivirent étaient plus merveilleux les uns que les autres. Des paysages à couper le souffle, une vue imprenable sur la mer et la baie de Porto Vecchio, destination finale de notre périple, les aiguilles de Bavella qui apparaissent à chaque endroit où se pose notre regard. Nous avons tout de même essuyé une nuit d’orage avec la toile tente repliée sur nos visages et un vent incroyablement for, qui avait décidé de ne pas faiblir de la nuit. Nuit vite oubliée avec le soleil qui brillait le lendemain matin.
Astuce 8 : faites attention à la météo. Des passages du GR20 sont très périlleux, ne tentez pas le diable, n’essayez pas de passer à tout prix malgré la pluie ou l’orage. À la suite de cet orage, nombreux randonneurs qui dormait dans le refuge de l’étape précédente ont dû faire demi- tour et abandonner, les crêtes étant impossibles à passer avec ce temps. Nous les avons croisés sur la dernière étape, il recommençait le parcours dans le sens inverse. Le GR20 compte bon nombre d’accidents, certains mortels pour cause d’imprudence. Ne faites pas parti de ces randonneurs tombés en montagne.
Le 7e jour de marche sonne la fin de notre aventure avec l’arrivée à Conca. Nous avons réalisé un rêve, une aventure pas comme les autres, un challenge personnel et à deux dont nous nous souviendrons toute notre vie. Cette dernière étape est une des plus merveilleuses avec un paysage si différent entre le départ au matin et l’arrivée au village. Une vue sans pareil sur la mer, la Sicile se dessine au loin, les plages nous appellent.
Le GR20, bonne ou mauvaise idée ?
C’est la plus belle aventure qu’il m’ait été donnée de vivre avec une des plus belles personnes que compte cette Terre. C’est un challenge physique et mental. C’est une déconnexion totale, un abandon à la nature. Ce sont des paysages merveilleux, dignes d’un film d’aventure à la « Into the Wild ». Le GR20 c’est aussi apprendre à s’écouter, à se préserver et à respirer. C’est laisser place au contact humain et à l’échange dans les refuges et sur les sentiers, c’est savoir écouter la nature et le silence, c’est admirer la beauté de la nature et remercier la Terre de nous offrir ce cadeau.